La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Théâtre Une jeunesse face au monde

juin 2017 | Le Matricule des Anges n°184 | par Patrick Gay Bellile

Comment affirmer ses désirs quand on a 20 ans dans une société fermée, par Manuel Antonio Pereira.

Berlin. Jan a 20 ans. Une immense soif de vivre. De se choisir un avenir et de le faire rayonner dans un monde humain, juste, égalitaire. Il porte en lui les idées révolutionnaires d’une jeunesse exaltée, romantique, celle qui refait le monde le soir au cours d’interminables discussions, sans aucune concession, sans tricheries, certaine de débusquer derrière toutes formes d’engagements un réflexe petit-bourgeois. Et qui croit à ses rêves. Ce monde à refaire, Jan veut y prendre sa place et ne pas rester seulement spectateur de sa propre vie, écrite et dessinée par d’autres mais dont on veut le convaincre que c’est bien la sienne. Face à lui, à son désir de prendre part et d’être impliqué, d’autres jeunes. Ils ont le même âge. Des expériences différentes, des parcours compliqués. L’auteur en dresse une galerie de portraits, comme autant de possibles pour un paumé qui se cherche. Entre « l’apprenti djihadiste » cherchant un sens à sa vie et « la fille de », rêvant d’acheter, d’acheter toujours et d’acheter encore comme ont si bien su le faire ses parents, le choix est large. La mode est là, le besoin de ressembler aux autres, de faire génération, « Toutes ces choses qu’il faut absolument connaître sans quoi tu es à côté, déphasé, sans quoi tu n’es qu’une triste merde. » D’être reconnu. Jan voudrait tout faire péter, mais en même temps, la vie rangée, tranquille, que certains ont choisie lui fait parfois envie : « et moi je reste là putain ! Je reste. Sec comme un pylône au bord d’une autoroute. » Envie et horreur. Il en veut aux autres, à tous les autres, de rester là sans rien faire, de subir passivement. Et il décide de s’engager auprès d’un collectif.
En une vingtaine de séquences, qui sont autant de petites histoires, Manuel Pereira rejoue l’affrontement éternel entre l’idéalisme et le pragmatisme, entre les intransigeants qui ne veulent pas de demi-mesures, qui vont chercher la faille partout où surgit la tentation de faire quelque chose, et ceux qui tranquillement, obstinément, passent à l’action. Et puis il y a l’ami Mathias, son désir d’en finir à coups de médocs parce qu’il se trouve trop gros et que personne ne veut baiser avec lui, Mathias à l’hôpital, son besoin de chaleur humaine, de la présence de l’autre. Et Jan découvre que cette chaleur lui manque aussi. Il est tiraillé entre ses désirs et la réalité. Cela passera par un séjour en psychiatrie avant que des liens puissent tenter de se nouer.
D’une écriture extrêmement précise, articulée, comme un travail au scalpel qui s’en irait visiter l’intérieur des individus pour mieux voir ce qui les meut, l’auteur analyse finement ce mur dressé entre une jeunesse impatiente de vivre et une société capitaliste, libérale, puissante, qui a compris qu’offrir à la population le pouvoir de consommer sans limites était peut-être l’analgésique le plus puissant pour vaincre la douleur de ne pas vivre. Il utilise souvent pour ses personnages la troisième personne du singulier, chacun parlant de lui-même comme s’il était quelqu’un d’autre, comme s’il se regardait vivre, se jugeait, se jaugeait, comme s’il n’avait pas encore fait le choix de coïncider avec lui-même. Mais le propos n’est pas noir. La dernière séquence réunit les personnages un soir, sur un pont : pour vivre l’instant, profiter de la vie, se réchauffer à la présence de l’autre, d’abord cela. Jan : « Oui. Faire des choses concrètes avec quelqu’un qu’on aime bien. Un peu chaque jour. La constance de tout ça. » Et puis, c’est Sila la rebelle qui parle : « Essayer. Peut-être ne pas toujours y arriver, mais essayer. Dans le silence de l’atelier, comme tu dis Jan. Et quand on ne comprend plus, quand tout semble perdu justement, se remettre tranquillement au travail, simplement recommencer ». Parler moins et prendre pied dans l’avenir. Un très beau texte qui laisse la porte ouverte. S’engager, oui, mais comment ?

Patrick Gay-Bellile

Berlin sequenz, de Manuel Antonio Pereira, Éditions Espaces 34, 112 pages, 16

Une jeunesse face au monde Par Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°184 , juin 2017.
LMDA PDF n°184
4,00 
LMDA papier n°184
6,50