La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Poésie Émois sportifs

juillet 2017 | Le Matricule des Anges n°185 | par Thierry Guichard

Comment, en poésie, dire le sport et ses légendes et prendre cyclisme, football, boxe comme des lorgnettes à regarder l’Histoire ? Avec Chino, le sport est tragico-rigolo.

Chino aime le sport

Chino, c’est l’auteur lui-même mais taille gamin quand, en Bretagne, il aimait « Trancher des lombrics ou vers la mer aller/ Crabouiller la coque à taper le ballon » et qu’il applaudissait « Au stade Fred-Aubert » les joueurs de l’ASSE et ceux de l’UA Sedan Torcy car « même en chiqué amical gnangnan/ en cinquante-sept c’est nectar de p’tit-lait/ pour qui y a un peu encore biberonnait ».
Chino, on l’a découvert héros de roman autobiographique dans Les Enfances de Chino en 2013. Trois ans plus tard, il revenait en amoureux versifié (Les Amours Chino, 2016) dans une longue série de douzains réguliers et dans une chronologie désordonnée. On le retrouve donc ici, habillé d’une poésie qui déjante à chaque vers, porteur d’un stylo Bic pour courir après un autographe de Charly Gaul ou, voir ci-dessus, de Zacharie Noah défenseur ardennais et de Kees Rijvers meneur de jeu de l’AS Saint-Étienne dans les années 50.
À nouveau, la chronologie est tributaire d’une pensée qui file vite et noue ensemble l’intime biographique, le mythe athlétique et les guerres politiques surtout entre cocos et cathos. Pour qui connaît un peu Christian Prigent et la Bretagne footballistique, rien de surprenant. Le novice, en revanche, sera dérouté. D’abord par les entailles faites au vernis académique de la langue (Prigent toujours « Écrit au couteau »). Ça dérape dans les renvois, ça motvalise dans le vers, ça speake pas toujours français et des fois ça onomatope comme dans un cartoon. Et sur la marge droite, les dates défilent comme des bornes kilométriques dans un jeu d’arcades. C’est que le poème échappe souvent au sujet qui semble l’avoir fait naître : évoquer la légende d’un cycliste, ça convoque aussitôt la figure paternelle (vélo et papa sont liés depuis le très émouvant Demain je meurs), qui conduit à l’engagement communiste et donc aux affaires du monde. Le vélo, ça peut mener loin.
À celui qui n’aurait qu’une vague connaissance du palmarès footballistique, athlétique, cycliste du siècle écoulé, à celui que le nom de Kopa n’évoquerait que couic, conseillons illico de commencer la lecture de Chino aime le sport par la fin. Un index des noms propres éclairera les poèmes et un tableau chronologique mettant en perspective la grande Histoire, la petite bio, les événements sportifs et les poèmes qui s’y attachent fait une sorte de mode d’emploi du livre. Car Chino, mine de rien, reste pédago.
Mais on peut aussi attaquer bille en tête le livre. Prendre le risque de sortir de la route du sens et de la compréhension, se laisser prendre par le rythme ou l’arythmie joueuse et s’arrêter stoppé net par la formule qui fait mouche. Ainsi de la rivalité Coppi-Bartali (cyclistes italiens) : « Ils se véloleraient encor dans les plumes/ Si on les laissait repédaler posthumes ». On peut y pénétrer aussi avec l’âme du détective linguiste, du décrypteur de langue neuve et rechercher dans le texte ce qui s’y dévoile en s’y cachant. Ainsi, à propos du racisme ordinaire des footballistiques tribunes : « Moralité : mauvais fond c’est fond commun/ Faudra bosser pour être humain – à demain ! » Ça sonne comme un art poétique : le fond commun, c’est la langue commune, celle qu’il faut perforer pour être au monde. Si le rire déchire l’opacité des clichés (qui ne manquent pas dans le sport), il conduit aussi à dire le tragique de l’Histoire. Ainsi la mort de Simpson tué par tonédron et cognac sur le Ventoux, ainsi les J.O. de Berlin où l’Allemand Luz Long montre trop de sympathie pour Jesse Owens « - Qu’il crève : / Le Reich l’envoie au front d’Italie expier/à mort à Cassino (…) Dernière lettre de Luz à son ami :/ « Jessie, je serai tué, prends soin de mon fils. » » On rit, on pleure, on touche à la vie. Et à Chino, on dit « chapeau ! »

T. G.

Chino aime le sport, de Christian Prigent
P.O.L, 168 pages, 18

Émois sportifs Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°185 , juillet 2017.
LMDA papier n°185
6,50 
LMDA PDF n°185
4,00