À cheval donné, on ne regarde pas les dents, dit l’adage. Mais aux dents vendues par le loufoque commissaire-priseur Gustavo Sanchez, on ne vérifie guère l’authenticité. De tels outils, fort irréguliers, notre personnage a vidé sa mâchoire pour les remplacer par celles de Marylin Monroe, plus flatteuses, achetées lors d’une vente aux enchères. On imagine que ces dernières sont évidemment des faux. Mieux encore, Gustavo entreprend de faire passer les ornements dégingandés de sa bouche hâbleuse pour des « lots hyperboliques », des « reliques métonymiques », qu’il vante en citant la Bible et « Miguel Sanchez Foucault ». Ces « fenêtres de l’âme » sont celles de Platon, Woolf (qui est le lot le plus disputé), Borges, Vila-Matas, etc. Atteindrons-nous les tréfonds de la dérision, lorsque son fils, nommé Siddhartha, se portera acquéreur des témoins de sa généalogie ? Non, car les « lots allégoriques » suivants, dont une « montagne de merde », parodient le marché de l’art contemporain.
Un tel roman n’est pas à prendre trop au sérieux. Mieux vaut en rire. Et surtout en déceler la part de satire, stigmatisant le monde des arnaqueurs et des faussaires. Valeria Luiselli, née mexicaine, a réussi à imprimer un ton sans cesse enlevé à ce récit grand-guignolesque, intégrant au bout du compte neuf photographies testamentaires, puis une chronologie officielle du vendeur le plus incroyable, quoique plus psychologue du désir humain qu’il n’y paraît. Ne s’agirait-il pas d’une sorte d’apostille à La Guerre du faux d’Umberto Eco !
Thierry Guinhut
L’Histoire de mes dents,
de Valeria Luiselli
Traduit
de l’anglais (États-Unis) par Nicolas Richard, L’Olivier,
192 pages, 19,50 €
Domaine étranger
septembre 2017 | Le Matricule des Anges n°186
| par
Thierry Guinhut
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°186
, septembre 2017.