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Domaine étranger Les traces d’un amour

mars 2018 | Le Matricule des Anges n°191 | par Julie Coutu

Rêves éveillés ou vies rêvées ? Nos souvenirs seraient des fragments de rêves, selon le Finlandais Kjell Westö. Ses personnages ont cette troublante évanescence, couleur sépia.

Nos souvenirs sont des fragments de rêves

Tout commence par une amitié. Rencontre de vacances, deux garçons, un vélo, l’été. Alex Rabell invite le narrateur – anonyme – à lui rendre visite, dans le domaine familial, au manoir de Ramsvik. En apparence, tout les sépare. Et pourtant. Entre le fils unique, classe moyenne, et l’héritier de la dynastie Rabell, se noue une relation destinée à perdurer. Portée par des liens de dépendance, et de fascination, soutenue aussi par l’histoire d’amour qui lie le narrateur à Stella, l’héritière de la dynastie Rabell. Une histoire d’amour douloureuse, aliénante, obsédante, avec ses heurts, ses ruptures, ses incompréhensions, son constat d’échec. Mais une histoire structurante, dans son déséquilibre.
Nos souvenirs sont des fragments de rêves, c’est tout à la fois l’histoire de la dynastie Rabell – richissimes entrepreneurs entre deux déclins, avec leurs secrets de famille, leurs brebis galeuses –, un roman sentimental, une lecture écriture de roman à travers le roman, une fausse vraie autobiographie, une enquête sans policiers. On y plonge, on s’y perd. Le fait d’abord d’un narrateur à mille lieues de ceux qu’il raconte, tout à la fois ami d’enfance, admirateur, amant, confident, repoussoir, alibi. Banal quidam en apparence, intégré sans qu’il sache jamais réellement pourquoi à une famille en tous points de vue (surtout le sien) remarquable. Toujours en marge, jamais parfaitement à l’aise, souvent envieux, heureux plus rarement, amoureux éperdument. Il est le témoin de presque tous les instants, il construit sa vie à l’aune des désirs, des pirouettes des Rabell, qui orientent, volontairement ou non, l’essentiel de ses choix d’adolescent, puis d’adulte. Un peu écrivain, enseignant par nécessité, auteur en quête de romanesque, il cultive une certaine forme d’ambiguïté sur un mode larmoyant, parfois même : agaçant. Mais avec un je-ne-sais-quoi de sincère. Ou de désemparé. Objet plutôt qu’acteur, parfait pour ce rôle précis : « historien expert » de la famille Rabell.
Nos souvenirs sont des fragments de rêves, c’est quarante ans d’histoire, peu ou prou, et les mutations d’un pays, un peu de lutte des classes, l’évolution des modes de vie, des voyages, des espoirs, une profonde lassitude, des désillusions. Surtout, quarante ans, c’est le poids de la mémoire, de l’érosion des souvenirs. Nos souvenirs sont des fragments de rêves est un roman d’amour réinventé, dans lequel même celui qui raconte se noie. Mais également un roman d’apprentissage. Sans héros. Sans miracle. Les dés jetés au début du roman ordonnent le jeu, de bout en bout. Kjell Westö ne programme pas de surprises. Ni d’incroyable retournement. Même auteur à succès, le narrateur reste dans l’ombre de la famille Rabell, celui qui sait, ou croit savoir. Porté par un égoïsme qui n’a d’égal que son égocentrisme. Un syndrome latent d’éternel à la traîne. Il y a là une forme de fatalité, une résignation triste qui imprègne tout le récit. L’alourdit, l’allonge, et le met à distance.
En même temps, c’est peut-être le propre des romans-fleuves, des sagas familiales. Le trop-plein, un rien de redondance, un peu d’ennui. Pour coller au réel. C’est ce que réussit Kjell Westö, et qui passe par une forme de nonchalance, à l’égard de ses personnages, de leur manière d’être. Il n’est pas question de les rendre sympathiques. Simplement, réels. Alors, malgré quelques ratés et égarements, on sort de ces bords de mer finlandais emplis d’ailleurs et d’être autrement, entourés de silhouettes frivoles ou tragiques, de rires, de larmes, de quotidien, de banal et d’improbable. Finalement : vivant.

Julie Coutu

Nos souvenirs sont des fragments de rêves, de Kjell Westö, traduit du suédois (Finlande) par Jean-Baptiste Coursaud, Autrement, 600 pages, 22

Les traces d’un amour Par Julie Coutu
Le Matricule des Anges n°191 , mars 2018.
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