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Domaine français Vérités vulnérantes

avril 2018 | Le Matricule des Anges n°192 | par Richard Blin

En portant la langue à un point d’ivresse où tout devient viscéral, Bénédicte Heim fait descendre le cerveau dans le ventre.

On a Brule les Ruches Blanches

Elle est rimbaldienne Bénédicte Heim. Elle note l’inexprimable, fixe des vertiges, restitue la fièvre des plus secrètes pulsations, enregistre les frémissements et les torsions de la chair. Elle ne sépare pas les livres de la vie ni la pensée de l’étreinte du réel, et a une façon bien à elle de sublimer l’expérience, de jouer du pouvoir des mots lorsque la raison cesse de les gendarmer. D’où une parole qu’enflamme un lyrisme au faste luxuriant. Lyrisme pour dire le mouvement de ce qui excède, porte en avant la parole, pousse à extraire des tréfonds de l’être le chant inentendu du chaos de la volupté.
Une écriture tout en géométrie d’éclairs et d’échos, en marqueterie de voix qui se frottent l’une à l’autre. « Ce ne sont pas les paroles qui comptent mais leur agencement, leur résonance cachée et la façon dont leurs rayons, entre les corps, circulent et découpent l’espace. Et découpent le ciel. » Des voix dont le discours est fragmenté en blocs d’émotions, en suite de sensations. Fragments que Bénédicte Heim assemble, agence pour composer quasi musicalement son livre. Des voix qui sont celles de la narratrice d’abord qui, subjuguée par la beauté de sa voisine – « Elle ressemble à quelque antique félin, aux membres trop allongés, aux os trop pâles et trop friables. » – se voit choisie par elle pour l’entendre lui parler d’un homme infiniment troublant et mystérieux qui l’attire sans qu’elle parvienne à savoir ce qu’il veut d’elle. « Il l’ignore peut-être également et je ne suis pas sûre moi-même de savoir ce que je cherche. » Ce qui réactive chez la narratrice la sensation « d’être un débris de fille ou de femme » en « état de guerre » et en régime d’exception. « Je veux dépecer tous les hommes qui m’entourent et certaines femmes. »
Une femme en révolte, qui veut oublier son passé douloureux, qui dit guetter « les forces de retournement. Les présences et les hanches rythmées. Qui déchirent les robes et les bien-pensances ». Elle veut se fabriquer des souvenirs neufs, être libre de tout, rencontrer « un homme qui crie dans l’amour et rit silencieusement ». Pas de ceux dont l’ignorance « dépasse tout », qui sont brutaux ou négligents, n’ont rien à voir avec les enfants, « fauves, élégants, précis dans leurs mouvements », auxquels elle donne des cours. Des élèves qu’elle fait écrire et dont on entend régulièrement la voix. Chez eux, elle aime le romanesque, les signes cinglants de l’authenticité, la verdeur et la fougue de la langue. Parmi eux, un certain Juan qui « a et est » ce qui manque à sa voisine et à cet homme qu’elle désire. Il est, ce garçon, « sans filtre ni réserve, tout entier dans la pulsation première (…) Il est le jaillissement et surtout il dit sans ménagement ni aménagement aucun, l’acuité, la violence, l’intolérable de ce qu’il sent. » Il ressemble à la narratrice, qui rêve non pas d’épuiser le champ du possible mais de le maintenir dans l’ouvert, dans l’attente de « l’essaim électrique d’un corps chargé d’histoires ».
Avec des mots qui « s’essaient à avoir des mains », l’une comme l’autre disent le corps sous l’empire et l’emprise du désir, la chair livrée au déploiement des instincts les plus débâillonnés. Cet ensorcellement de tous les sens est servi par une écriture lucide, rauque, instinctive, portée par la voix de démons intérieurs. Animée aussi par le rêve de pouvoir entraîner l’homme désiré vers cet au-delà de lui-même devant lequel il recule assez lâchement. Il est là le grand talent de Bénédicte Heim, dans la façon dont son écriture cherche à éveiller dans notre chair des aspects irrévélés. Elle arrache peaux et oripeaux, fore, détourne, libère un mouvement d’expansion de tout l’être. Une surrection qui peut parfois virer au cauchemar mais dont l’orageuse splendeur met souvent un peu d’éternité dans l’aléatoire.
Richard Blin

On a brûlé les ruches blanches, de Bénédicte Heim
Et le bruit des talons, 280 pages, 20

Vérités vulnérantes Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°192 , avril 2018.
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