À l’occasion de la sortie d’un nouveau roman (Avant la chute, Série noire), passage en poche d’un titre de Noah Hawley qui mérite d’y prêter attention. Paul Allen, rhumatologue new-yorkais, vit paisiblement avec sa seconde femme et ses deux enfants. Alors qu’il regarde le meeting d’un candidat démocrate à la présidentielle à la télévision, il assiste à l’assassinat en direct de ce dernier. Quelques minutes plus tard, on sonne à sa porte. Deux agents des services secrets se présentent et tout bascule… Ils lui annoncent que le meurtrier du politicien, qu’on vient d’arrêter, n’est autre que son fils aîné, Daniel, issu d’un premier mariage. Sa culpabilité ne fait aucun doute, mais Paul, bouleversé, va se lancer dans une quête éperdue pour innocenter son fils.
À partir de cette trame initiale, Noah Hawley aurait pu écrire un énième récit d’enquête, mêlant complotisme et secrets d’État. Pourtant le roman, s’il use des ressorts classiques d’investigation sur le passé de Daniel, verse rapidement dans un tout autre propos. Comment un fils jugé équilibré, discret, rêveur a-t-il pu commettre un tel acte ? Comment un père peut-il reconnaître la culpabilité de son enfant, qu’il a éduqué, sans être lui aussi responsable ? Et si le fils n’est pas le jouet d’un complot, si son éducation ne peut expliquer le drame, si Paul a bien été un « bon père », comment alors de son propre libre-arbitre cet enfant est-il devenu un meurtrier ? Ce qui est interrogé ici c’est tout un pan de l’histoire des États-Unis (meurtres ou tentatives de meurtre, de Robert Kennedy en 1968 à Ronald Reagan en 1981) dans lesquels Paul cherche des réponses, et sur la société américaine en tant que telle, où l’on place l’individu au centre, lui promet la liberté, y compris celle de porter les armes, mais où ceux qui ne peuvent s’intégrer sont rejetés. Le combat d’un père contre l’inadmissible, ses espoirs souvent déçus, ses théories, sa détresse, ses souvenirs heureux, auquel on s’attache et que l’on suit fébrilement, tout en entendant une petite musique sournoise qui nous fait penser qu’aucune réponse « satisfaisante » ne verra le jour au terme du roman…
L. D.
Le Bon père de Noah Hawley
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Clément Baude,
Folio policiers, 416 pages, 8,30 €
Domaine étranger Le Bon père
mai 2018 | Le Matricule des Anges n°193
| par
Lionel Destremau
Un livre
Par
Lionel Destremau
Le Matricule des Anges n°193
, mai 2018.