Écrit au plus près des jours, ce journal d’une désintoxication à l’alcool (version muscadet) oscille entre le rapport (et la mise à distance qu’il implique) et le témoignage intime. Jean-François Marquet s’y livre sans retenue mais aussi sans impudeur et, surtout, sans effet de manche. C’est une voix qui s’installe peu à peu, fragile au premier jour de la cure effectuée en HP. Le sevrage, accompagné de son armée de médicaments, rend difficile la prise de notes. L’auteur et patient, documentariste pour France Culture, se contraint à l’écriture quotidienne et cela, probablement, entre dans le déroulement de sa guérison. Entre le côté Vol au-dessus d’un nid de coucou lié aux scènes répétitives à l’intérieur de l’HP (les insomniaques devant la machine à café, la distribution matinale des médocs, les affreux repas communs) et l’auscultation sensible du patient écrivain, on assiste à une lente renaissance sans avoir à aucun moment le sentiment d’être un voyeur. C’est assez délicat (notamment dans le récit des sorties autorisées auprès de l’aimée, des enfants) et il faut vraiment attendre que le bout du tunnel soit proche pour que l’écriture se fasse gentiment mordante et moqueuse : « Le dîner est un chef-d’œuvre dans le registre du nauséeux. C’est informe, douteux au nez et pire en bouche. Une grande justesse dans le désaccord, un unisson sublime de répugnance. » Mais après tout, la malbouffe ne fait-elle pas partie de la cure : les mauvais plats ne donnent pas envie qu’on les accompagne de bons vins…
T. G.
Déboire, de Jean-François Marquet, Joca Seria, 217 p., 18 €
Domaine français Fin d’addiction
juin 2018 | Le Matricule des Anges n°194
| par
Thierry Guichard
Un livre
Fin d’addiction
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°194
, juin 2018.