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Domaine français Pays perdu

juillet 2018 | Le Matricule des Anges n°195 | par Julie Coutu

Dans un récit polyphonique, Patrick Da Silva tire les fils d’une mémoire intime.

Patrick Da Silva raconte qu’enfant, il aimait les histoires, qu’il lit parce qu’on lui a lu. Mais qu’il n’y avait pas beaucoup de livres à la maison. Et que les histoires à entendre, c’était à la messe, le dimanche matin. Il y a dans Et filii des histoires et du contemplatif, de la messe et de l’écriture. Du temps à prendre et à donner. « Me suis assis sur les rochers. Dans mon dos la forêt comme une coulée de lave froide que le lac aurait figé dans son élan, comme une bête, froide tout autant, gigantesque, antédiluvienne. (…) À chaque fois, auprès du lac, me saisit ce vertige de l’invisible et de l’immémorial. Toutes ces vies qui dans les siècles et les saisons et les lunes, un instant sont venues ici, très précisément et ont bu de cette eau-là, se sont trempées dedans et par cela, sans se voir jamais ni se connaître, se sont liées l’une à l’autre, secrètement, indissolublement. (…) Ai repris le chemin, par le nord, ai fait le tour du lac. »
Il y a aussi et surtout ces voix qui s’élèvent, comme on va à confesse, sans le silence de l’église. Un promeneur et ses rencontres, un marcheur et ses paroles entendues. Mises bout à bout, elles forment le portrait composite d’un drame et sa communauté. Des silences qui étouffent. Des non-dits oubliés. Des trop-dits mal écoutés. Les semaines sans, il affiche la sagesse relative d’une Épître du jour. Le dimanche, comme il se doit.
Il est là, le presque prêtre qu’on croit longtemps policier ? enquêteur ? privé ?, marcheur solitaire, pêcheur aux poissons du petit matin. Il est là, et il se tait. Il écoute. Il ne note ni n’enregistre. Et tous viennent à lui. Trop vite ou à reculons, avec esprit ou résignation. Amertume ou fatigue. Tous ont quelque chose à dire, à dénoncer, à exorciser. Et à le regarder écouter, on recompose progressivement ce tableau que lui sait. Il y a l’usine, qui a fermé. Le monde rural, qui s’oublie. La misère, qui s’installe. Il y a coup sur coup assassinats, incendie, suicide par pendaison. Il y a la vie, comme elle passe et se complique.
Et puis les mots. Patrick Da Silva écrit comme on parle, comme on pense, pour soi-même, par bribes et par éclats, par réminiscences et mélanges. Lire Et filii, c’est débrouiller un écheveau de mots qui filent. Et alors, vraiment, on entend les voix de ceux qui parlent. Leurs accents et leurs souffles. Leurs respirations. Leurs hésitations, leurs silences. Leurs éducations. Chaque langue est quelqu’un, quelqu’une. Les mots se mêlent et le texte prend corps et vie. Avec encore, cette poésie, intime et triste, nostalgique et rieuse, du quotidien dit sans fioritures. Avec juste ce qu’il faut de retenue. « Ils sont là, ces minus, ils s’y accrochent à leur petite vie et ils s’incrustent dans le pays. Pardi, s’ils n’y sont pas nés ils y ont fait leur trou, y ont construit leur maison ou l’ont retapée, tout ça en se faisant une ardoise à la banque pour quinze ou vingt piges. (…) Ils n’en ont pas assez sué pour en avoir le droit ? Parce qu’ils sont ouvriers et de la cambrouse par-dessus le marché, il aurait fallu qu’ils restent au Moyen Âge ? Que leurs mômes restent au Moyen Âge ? Non ! Ils sont comme tous les parents, pour leurs gosses ils veulent le meilleur, qu’ils soient heureux, au moins contents, suffisamment contents ; (…) Ils sont vivants, ces minus et ils veulent vivre avec leur temps leur petite vie à eux dans leur petit pays à eux. »
On ne peut pas raconter Et filii. Il faut s’y plonger, se laisser porter par les mots, les bribes, les raccords et les hésitations du texte. Comme on irait s’immerger au fond d’un petit pays. Il faut aller à la rencontre des personnages, et les saisir, avec leur simplicité apparente, leur réelle complexité. Leur humanité.

Julie Coutu

Et filii, de Patrick Da Silva
Le Tripode, 300 pages, 19

Pays perdu Par Julie Coutu
Le Matricule des Anges n°195 , juillet 2018.
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