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Domaine français Copi pérenne

juillet 2018 | Le Matricule des Anges n°195 | par Éric Dussert

Figure majeure du théâtre et de la presse satirique, Copi était un créateur subtil, doué pour l’ironie ravageuse et la provocation en talons.

Depuis sa disparition, le 14 décembre 1987, Copi n’était pas oublié. Ceux qui l’ont lu un jour gardaient le souvenir de ses fantaisies et de ses tendresses, ceux qui avaient vu ses pièces de théâtre n’en ont pas effacé le tonitruant baroque, quant à ceux qui se sont délectés dans la presse des années 1970 et 1980 des planches où sa célèbre « femme assise » devisait, ils l’ont toujours en rétine. C’était une grande époque de journaux, d’idées et d’initiatives combattantes. Un ludion comme Copi avait des atouts pour provoquer l’attention. Ses pièces se jouent toujours à travers le monde mais ses livres avaient fini par disparaître des librairies. Le public qui a toujours raison a convaincu les éditions Christian Bourgois qu’il était temps de rendre à la collectivité cette œuvre romanesque et dramatique unique, touchante et drôle, fruit d’un des plus attachants personnages des lettres du dernier demi-siècle.
En 2014, les éditions de L’Olivier avaient publié avec succès Vive les pédés et Les Filles n’ont pas de banane, deux recueils de l’œuvre graphique de Copi. La « femme assise », qui lui a rapidement assuré une grande notoriété y fait toujours assaut d’ironie et d’absurdité avec cet air désabusé qui rend sa posture plus hilarante encore. Les planches avaient paru dans Le Nouvel Observateur, Charlie-Hebdo ou Hara-Kiri. Pour décrire l’ambiance, ses recueils « historiques » s’intitulaient Les Vieilles putes ou bien Du côté des violés. Copi était une figure homosexuelle, qui se travestissait (comme Pierre Molinier), tout en se collant de gros sourcils postiches lorsqu’il montait sur scène pour jouer ses textes, en particulier L’Homosexuel ou la Difficulté de s’exprimer (1967). C’était la grande époque où Michel Cressole tenait la chronique culturelle de Libération.
Né le 20 novembre 1939 à Buenos Aires, Copi était arrivé à Paris en 1962 après avoir été élevé à Montevideo par un père directeur de journal et député. Rapidement, il parvient à placer ses dessins dans Bizarre où il est repéré. Sa femme assise à gros nez et cheveux raides débitant ses a priori emballe tout le monde. Son humour à froid fait un tabac. Pour donner une idée de l’univers de Copi, on pourrait, toutes proportions gardées, le placer au centre d’une grande toile dont les bords seraient tendus par Roland Topor et Maurice Roche, Jean Genet et Alejandro Jodorowsky (sans l’ésotérisme), Claire Bretécher et cette descendante de la femme assise, la Petite Personne de Perrine Rouillon. Pour ce que cela a de maladroit, cela dessine peut-être le burlesque métaphysique du travesti pensif, du provocateur amusé et amateur d’outrances qui prospérait sur les planches en même temps que René Ehni, autre provocateur de l’écurie Bourgois. Pour parfaire le tableau, il suffit de dévorer Eva Peron, Loretta Strong, Le Bal des folles, Virginia Woolf a encore frappé, Une langouste pour deux.
Agrémenté d’articles de l’époque, le volume de Théâtre définit parfaitement le créateur sans fard mais élégant qu’était Copi. Guy Hocquenghem disait en particulier ce qu’était « L’humour selon Copi, c’est de l’esprit, mais pas au sens méchant du salonard, l’esprit comme hasard, et comme faux pas volontaire. L’esprit, non de l’homme spirituel, mais de la cruauté comique. » Et parfois même cosmique quand un non-sens ravageur laisse les rats (La Pyramide !) et les folles de tout sexe délirer, quand l’esprit de l’auteur lui-même joue à la corde à sauter. « Et vous saurez d’emblée qu’il s’agit d’un roman policier, qu’il y a plusieurs crimes et deux coupables mais pas de police (je n’aime pas ça dans les romans policiers) donc, pas de châtiment. Et à présent voici ce que je vous propose pour le premier jour de travail (car vous allez travailler avec moi à la recherche du plaisir quand les crimes auront lieu, je ne vous propose qu’un plaisir tout à fait intellectuel, bien entendu). » Le propos confinant toujours à la confession : « Voici ce que je vous propose : dans ce roman je serai masochiste. J’aurai découvert ça en 1965, quand j’ai commencé à mener une vie publique homosexuelle après l’avoir longtemps pas mal cachée. » (Le Bal des folles).
Pour entrer dans l’univers si enthousiasmant de Copi, la porte romanesque peut aussi s’avérer délectable. L’Uruguayen (1973), sa première prose publiée relate l’exil du jeune Raul Damonte Botana alias Copi dans des pages fraîches et enlevées. On rebondit sur Une langouste pour deux où sont rassemblées ses nouvelles de Hara-Kiri. La ressemblance qu’elles entretiennent avec les écrits de Topor ne doit pas surprendre, la familiarité est d’époque. Reste chez Copi le sourire désolé et doux de sa cruauté inverse : ne plus profiter de ses subtiles plaisanteries depuis sa disparition à l’âge de 48 ans nous les fait amèrement regretter… Ces deux rééditions nous le ramènent. À coup sûr deux des bons livres de l’été.

Éric Dussert

Copi Romans, 208 pages, 15 et
Théâtre, 496 pages, 20
Christian Bourgois

Copi pérenne Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°195 , juillet 2018.
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