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Poésie Voir avec d’autres yeux

juillet 2018 | Le Matricule des Anges n°195 | par Richard Blin

Configuration sans cesse en quête d’elle-même, la poésie de Jean-Yves Bériou cherche à capter la dimension sauvage et ininterrogée de la réalité.

La Confusion des espèces

C’est d’une présence au monde, et d’un commerce avec lui plus ancien que l’intelligence, que procède la poésie de Jean-Yves Bériou. D’un temps où les êtres, les animaux, les choses n’étaient pas encore prisonniers de leurs formes et de leurs attributs. Un monde mouvant et libre où les registres sensoriels et les règnes naturels interfèrent, où « les cuisses bleues du noir » ou les « épaules du lointain » relèvent d’un réel absolu, de ce corps polymorphe d’un monde où tout est vivant, où tout est relié, où tout circule. Un monde qui se donne comme une énigme sans mystère, mais avec ses dissonances et ses enchantements, ses flux de temps et de non-temps. « Le temps de me retourner, le monde s’était décalé ».
Cette manière d’éprouver le réel, de s’ouvrir à l’inconnu et à l’indéterminé, Jean-Yves Bériou la module, dans son dernier livre, en trois parties : « Le sommeil des amants » ; « Les prestiges de la matière » et « La confusion des espèces ». Ses poèmes, en prose ou en vers, génèrent la connaissance du monde autre qu’ils créent. Une sorte d’Autre-Monde qui évoque l’imaginaire celtique et la poésie irlandaise médiévale dont J.-Y. Bériou a donné récemment des translations originales dans Moi, faucon sur la falaise (La Nouvelle Escampette, 2017), un livre qui rassemble des textes (VI-XIIe siècles) de grande beauté – « J’ai brûlé ma jeunesse, / derrière les haies, ma cape tant de fois j’ai étendue : / sagesse ou pas, les capes s’usent à la fin. » – dont les auteurs anonymes semblent parfois être la mer, le vent, les rapaces, les matins radieux ou la main du temps.
Par la magie des images et des visions, une réalité naît en se révélant. Le poème donne espace à des présences renvoyant à des réalités qui n’ont d’autre existence que celle que leur prêtent les mots. « Il s’en va, il revient, le monde, il ne cesse ses allers et retours ; et nous, nous restons. » Il est là, tout l’intérêt de cette poésie, dans le fait de dire ce qui ne peut être dit hors d’elle, n’est vrai qu’en elle. La réalité qu’elle crée amplifie, intensifie notre sensation de vie, distille une sorte de jubilation, de plaisir paradoxal, parce qu’il a ses racines dans la certitude de notre mort. « La tête de mort s’agite dans mon cœur. / Elle revient de voyage, elle en a vu du monde, des hirondelles, et de vrais morts. Elle dit qu’elle est ma tête, que je ne dois pas avoir peur d’elle, qu’elle me sifflera de jolies rengaines. »
Face à la finitude, à la mort qui « tue, quelquefois » la poésie n’a à opposer que le lieu privilégié de convergence et de diffractions qu’est le poème. Elle est une manière d’être qui, dans et par le langage, nous fait sans cesse renaître au monde, un monde qu’elle transfigure, un monde ouvert au hasard, aux parentés furtives, au glissant plaisir de la métamorphose. « C’est un jour à dormir dans le bas-côté des routes. Le ciel descend sur terre, ses branches traînent sur la table de la morgue : nous rentrerons à la maison, nous ne mourrons pas, nous en avons passé l’âge. Nous chanterons la complainte des pierres, lèverons l’ancre de la chambre : couleront alors les fontaines de chair. Nous aussi, nous tuons la mort, quelquefois. »
Une soif d’absolu anime ces pages. À l’intersection de toutes les virtualités, chaque poème n’est que tension vers la pure intensité de la manifestation avant qu’elle n’entre dans l’ordre des significations. D’où l’étrange beauté de ces pages traversées par l’emportement des choses, le bouleversement amoureux et la présence de la mort.

Richard Blin

La Confusion des espèces,
de Jean-Yves Bériou
Pierre Mainard, 82 pages, 14

Voir avec d’autres yeux Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°195 , juillet 2018.
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