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Égarés, oubliés Calumet et best-seller

avril 2019 | Le Matricule des Anges n°202 | par Éric Dussert

En plein cœur de la ruée vers l’or, le baron de Wogan découvre le poteau de guerre d’une tribu apache : sa postérité littéraire est assurée.

Émile-Édouard de Wogan, baron, est né le 13 mars 1817 à Dinan. Au XIIIe siècle, son aïeul aurait été roi d’Irlande, plus tard, ses descendants, jacobites, ont émigré pour les douceurs de la terre française. Là, ils se font militaires, c’est leur état. Émile de Wogan est lui-même de la partie, le Dictionnaire des contemporains dit par le truchement de H. Leverdier tout ce qu’il fallait savoir de sa carrière, sans se douter trop de l’influence internationale de sa littérature. Sachons donc qu’il est officier spahis, grade acquis sur le champ de bataille, et qu’il démissionne en 1847 pour visiter un peu le monde. Et c’est là que les choses commencent à être intéressantes, il embarque avec trois associés pour une terre gorgée d’espoir : la Californie et ses trésors… En passant par l’isthme de Paname, il rejoint San Francisco sur le SS Isthmus et vit tout ce qu’il faut vivre de la ruée vers l’or.
Cette première expérience ne donne rien puisqu’on retrouve notre Émile en juin 1848 reprenant du service à Paris comme capitaine, parmi les défenseurs de l’ordre de la garde nationale contre les révolutionnaires. Cette tendance à la réaction aura été une constante chez lui, puisque l’on le vit, en avril 1871 résister une fois encore au révolutionnaire par un strict sens de la conservation du bureau de télégraphe dont on lui a donné la responsabilité, après celui de Saint-Sever dans les Landes (1860). Il manque de se faire tuer, comme le 24 juin 1848 où il tenait à lui tout seul une barricade à peu près perdue — puis perdue, forcément, réitérant sa folle bravoure en investissant, armé mais tout seul, le bureau du télégraphe de Vaugirard pour le libérer. Il ne mourra qu’à l’âge vénérable de 74 ans, preuve que les communards, touchés par son « mépris de la mort », ou, plus simplement, par son opiniâtre et imbécile respect de la consigne, ne jugèrent pas utile de le passer par les armes.
Ç’aura été le troisième jour de chance d’Émile de Wogan dont toute la notoriété de l’œuvre littéraire tourne autour d’un épisode que l’on va conter aussitôt. Émile de Wogan fit un séjour en Californie entre 1850 et 1852 où il a des velléités d’invention. Il paraît qu’il crut un temps révolutionner avec ses compères la recherche de l’or. Mais rien. Il poursuit son voyage, visite le Nevada et l’Utah et donne après Lahontan un nouveau récit français du grand Ouest. Un fragment paraît d’abord dans Le Tour du monde, rapidement suivi par un chapelet de volumes marqués Hetzel. Aussitôt c’est l’engouement d’autant que « son style primesautier, tantôt émouvant, tantôt étincelant de verve spirituelle, ouvre çà et là de poétiques perspectives sur ses souvenirs de voyage. On sent que dans la nature il est chez lui, et que rien de grand ne lui est étranger » (Leverdier). Le pittoresque et le péril avaient toujours alors quelque chose d’homérique… « Dès que nous atteignîmes l’anse principale où étaient attachés des pirogues et des canots avec des amarres en corde végétale, nous fûmes aperçus des habitants, des cris de joie accueillirent notre arrivée, et plus d’un millier de femmes, d’enfants et de vieillards accourent sur le rivage. Les plus impatients se jetèrent à l’eau avec des contorsions des plus grotesques, et entourèrent notre canot par-dessous lequel les enfants plongeaient comme de jeunes marsouins. Je fus saisi et porté à terre au milieu d’une foule considérable. Nous entrâmes dans une large rue, formée par deux rangées de huttes ; le grand chef arriva bientôt, et je compris vite qu’il donnait des ordres pour éloigner la foule, devenue tellement compacte que je me sentais étouffé comme dans une ceinture vivante. »
C’est à ce moment que se noue la notoriété d’Émile de Wogan : pour avoir mortellement blessé un Indien de la tribu des Apaches qui l’attaquait, après qu’il l’avait sauvé d’un ours – sont-ils ingrats ces sauvages… –, Wogan se retrouve en mauvaise posture, après avoir fumé le calumet et constaté la dépouille du serpent géant qu’il a tué dans la sierra-Wah : « Au milieu de la prairie s’élevait une espèce de monticule de gazon, surmonté par le tronc d’un jeune chêne fourchu ; c’était le poteau de la guerre ; j’y fus immédiatement attaché par les mains et les pieds. »
C’est de cet épisode que naquit la gloire de Wogan, qui dut sa vie, évidemment pas aux communards cette fois, mais bien à un chef aux allures européennes – il ressemble étonnamment au duc de Lennox dont il descend –, un descendant d’Anglais. Après son passage dans Le Tour du monde, Hetzel publie ses Voyages et aventures du baron de Wogan (1863), que Karl May va découvrir dans une traduction allemande du géographe Karl Andree dans son livre Globus, Illustrierte Zeitschrift für Länder (1862). C’est bien là la source du fameux Winnetou…
Carrière lancée, Wogan poursuit ses aventures Du Far-West à Borneo, invente un Pirate malais, revient Six mois dans le Far-West… Son propre fils, Émile-Tanneguy de Wogan (1850-1906), avec lequel on le confond souvent, aura une carrière conjuguée d’écrivain et d’explorateur dans un canoë en papier de son invention, le Qui-Vive. Il conçut aussi un système de torpillage électro-magnétique, un procédé de durcissement pour l’acier et un autre pour renflouer les navires. Sans compter son intéressant Manuel des gens de lettres (1899)… Son père, Émile de Wogan disparaît le 23 juin 1891 à Paris. Malgré ses quatre enfants, le nom s’éteint en 1906.
Éric Dussert

Calumet et best-seller Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°202 , avril 2019.
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