Dans une Italie qui n’appartient qu’à lui, Jean-Luc D’Asciano, par ailleurs éditeur à l’enseigne de L’Œil d’or, vient de placer un roman de grand battage avec contrebandiers, sirènes, frères siamois, malfaisants de toutes sortes, y compris quelques diables et Raspoutine lui-même, amoureux et jolies filles. Autant dire qu’il nous plonge dans l’ambiance du roman de grande marée, entraînant, rebondissant, tel que Dumas ne l’avait pas espéré, timoré qu’il était… Le néo-romancier, déjà auteur d’un recueil de nouvelles très animales (Cigogne, Serge Safran, 2015), a récolté le bon grain du récit mythologique comme la menue monnaie du fait divers ou de la référence littéraire afin de modeler son golem de mots. En bon fictionneur à malices, il a trouvé l’occasion de placer nombre clins d’œil aux livres qu’il a publiés lui-même, à commencer par ceux de Ian M. Banks ou l’essai sur la Tarentella d’Alèssi Dell’Umbria, pour finir par s’inventer un univers fantasque, baroque souvent, où se mêlent traditions de la chasse, superstitions populaires, festivités païennes, dont le haut coloris nourrit merveilleusement le récit échevelé. « Nous sommes nés monstrueux et notre vie fut belle »… La vie des deux frères siamois est la cause de tout ce remue-ménage. Au-delà de leur curieuse apparence, garantie casher par le prêtre (défroqué) du village, Raphaël et Gabriel ont reçu un don charmant qui, par le truchement de leur chant conjoint, réveille les morts. Bien entendu, par saint Zéphyrion, les monstres ont leur préférence ! Le rusé D’Asciano a composé une marqueterie qui va surprendre plus d’un amateur de fiction véritable. Éric Dussert
Souviens-toi des monstres,
de Jean-Luc D’Asciano
Les Forges de Vulcain,
522 pages 21 €
Domaine français Souviens-toi des monstres
juin 2019 | Le Matricule des Anges n°204
| par
Éric Dussert
Un livre
Par
Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°204
, juin 2019.