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Histoire littéraire La mort en goguette

octobre 2019 | Le Matricule des Anges n°207 | par Guillaume Contré

La réédition de ce roman de Stevenson, dans lequel un mort refuse avec insistance de l’être, rappelle que l’auteur de L’Île au trésor avait aussi le don du comique.

La Mort vous va si bien !

Au fil de ses diverses éditions et traductions, The wrong box, roman peu connu de Stevenson – l’un des trois qu’il aura écrit en collaboration avec son beau-fils Lloyd Osbourne, lequel officiait davantage en fournisseur d’idées – aura été affublé depuis sa parution outre-Manche en 1889 de titres français toujours changeants : Un mort encombrant, Un mort en pleine forme ou encore Le Grand Bluff. Sans doute cette valse n’aura-t-elle pas contribué à le sortir de l’ombre insistante projetée par les chefs-d’œuvre certifiés du maître, alors même qu’il n’a rien à leur envier. Plutôt qu’une énième traduction nouvelle, L’Éveilleur a choisi de rééditer dans une version « légèrement modifiée » la première de celles-ci, parue en 1905 sous le titre Le Mort vivant, en la parant cette fois de celui d’une comédie du cinéaste Robert Zemeckis.
Comme son titre (anglais) l’indique, ce livre raconte, sur un mode de vaudeville, une histoire de méprise : un homme en prend un autre pour celui qu’il n’est pas (bien qu’il lui ressemble comme deux gouttes d’eau) et de là s’ensuit une série d’erreurs, coïncidences et catastrophes en rafales qu’un narrateur aussi doué que Stevenson, éternel tusitala, saura conduire brillamment. À ceci près que la méprise se fait entre un vivant et un cadavre. Tenir pour mort quelqu’un de bien vivant peut avoir de funestes conséquences pour celui qui ne réalise pas son erreur et croit pouvoir en tirer de trop nombreux avantages.
L’affaire commence par la description d’une étonnante assurance-vie d’invention italienne qui eut un certain succès jusqu’au XIXe siècle, la tontine : « Un certain nombre de jeunes gens mettent en commun une certaine somme, qui est ensuite déposée dans une banque, à intérêts composés. Les déposants vivent leur vie, meurent chacun à son tour ; et quand ils sont tous morts à l’exception d’un seul, c’est à ce dernier survivant qu’échoit toute la somme, intérêts compris. » Et Stevenson d’ajouter que l’heureux épargnant encore en vie est « suivant toute vraisemblance, si sourd qu’il ne peut même pas entendre le bruit mené autour de sa bonne aubaine ». Il y a donc là, dans l’absurdité même de ce système, quelque chose de « poétique, pour ne pas dire de comique » (le ton est donné), « une apparence de sport  », ce dont le récit n’en manquera pas.
Ainsi, dans la famille Finsburry, les deux oncles fort âgés se tirent la bourre pour savoir qui des deux mourra en premier. C’est du moins ce qu’attendent leurs neveux Morris et John, prêts à tout pour mettre la main sur le pactole. Et quand le plus malin des deux (le plus calculateur, plutôt, quand bien même ceux-ci tombent souvent à côté) croit avoir mis la main sur le corps sans vie d’un des deux oncles, il se lance dans une opération abracadabrantesque afin de faire valoir ses supposés droits sur l’argent. Rien ne se passe comme prévu et c’est l’opportunité pour Stevenson d’imaginer une galerie de personnages impayables, tous plus médiocres les uns que les autres. À commencer par le neveu John, qu’il décrit de la façon suivante : « c’était, naturellement, un brave garçon ; mais si, vous-mêmes, vous n’aviez pas d’autre attache que lui pour vous retenir à votre foyer, j’imagine que vous ne tarderiez pas à caresser le projet d’un voyage à l’étranger. »
On croisera encore un romancier raté essayant de se faire passer pour compositeur, un avocat filou amateur de déguisements, un artiste sans le sou et sans plus de talent, voire un douteux artiste de music-hall, le Grand Vance. Le plus remarquable de toute cette ménagerie, néanmoins, c’est certainement « l’excellent vieillard » Joseph Finsburry, prétendu mort au top de sa forme. L’homme se pique d’être conférencier et le voilà lancé, dès que l’occasion le permet (et si elle ne le permet pas, il la force sans ménagements) dans de grands discours sur les sujets les plus ennuyeux. S’offrir « la saine jouissance d’une allocution » est son péché mignon et pauvres de ceux qui en font les frais, qu’il s’agisse d’un charretier qui le prend en stop ou des innocents clients d’une auberge.
Conclure en rappelant le génie de Stevenson aurait tout d’un truisme. Mais peut-être le lecteur qui ignorerait ce roman-ci n’aurait-il pas saisi dans sa pleine mesure le talent comique de l’Écossais. Cette édition soignée en fournit l’occasion.

Guillaume Contré

La Mort vous va si bien !, de Robert Louis Stevenson, traduit de l’anglais par Théodore de Wyzewa, L’Éveilleur, 250 p., 18

La mort en goguette Par Guillaume Contré
Le Matricule des Anges n°207 , octobre 2019.
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