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Domaine étranger L’épopée flamboyante de Mia Couto

janvier 2020 | Le Matricule des Anges n°209 | par Catherine Simon

Avec Les Sables de l’empereur, le romancier mozambicain raconte les infinis méandres de la guerre coloniale en Afrique de l’Est.

Les Sables de l’empereur

À la fin du XIXe siècle, le Portugal, qui s’est lancé dans l’aventure coloniale, connaît de sérieux déboires. Au Mozambique, les Africains font de la résistance. En particulier l’État de Gaza, le deuxième plus grand empire du continent, dirigé par l’empereur Ngungunyane. La rébellion est telle que la couronne portugaise doit relever le défi : soit elle démontre qu’elle domine « ses » terres africaines, soit elle n’y parvient pas, et, la nature coloniale ayant horreur du vide, les autres puissances européennes prendront la place. En décembre 1895, une petite troupe de soldats portugais prend d’assaut la localité royale de Chaimite, capturant l’empereur et sa cour…
L’histoire finira comme elle a commencé : mal – par l’exil de l’empereur aux Açores, où le « lion de Gaza » mourra en 1906, et par une conquête portugaise aux allures de défaite. Entre les deux ? Un gros pavé génial, qui tient de Guerre et Paix, de Famished Road et des Trois mousquetaires, une épopée est-africaine qui raconte, de l’intérieur, par la voix d’un Mozambicain, les infinis méandres de la guerre coloniale. D’un Mozambicain ou d’une Mozambicaine ?
C’est bien Mia Couto, barbu grisonnant d’ascendance portugaise, né en 1955 à Beira, au Mozambique, qui signe Les Sables de l’empereur, cette vaste « récréation fictionnelle, inspirée de faits et de personnages réels », comme il le dit lui-même. Mais c’est Imani, jeune fille noire appartenant aux Vatxopi, petite tribu du littoral mozambicain, qui parle et tient jusqu’au bout le fil de la narration. C’est elle qui ouvre le récit. Et le clôt, des décennies (et une longue vie d’exils) plus tard. C’est elle, l’héroïne ambiguë de l’histoire – et non pas le fracas des armes.
Instruite par un prêtre, qui lui a appris le portugais, corrigeant son accent « comme qui égalise les ongles à un chien », Imani, très vite, a su qu’elle était différente. « J’étais noire, oui. Mais cela, c’était un accident de peau. Être blanche serait l’unique occupation de mon âme ». Imani est une déchirée de naissance, prise entre deux mondes, deux langues – à l’image de sa terre natale, la terre des Vatxopi « disputée par deux prétendus propriétaires : les Vanguni et les Portugais ». Les Vanguni, ce sont les guerriers zoulous de l’État de Gaza. Quant aux Portugais, ils entrent très vite dans le récit et dans la vie d’Imani, par la voix, ou, plutôt, par la « première lettre » que le sergent Germano de Melo, « détaché pour commander le poste de Nkokolani et représenter les intérêts des Portugais à cette frontière avec l’État ennemi de Gaza », adresse à son supérieur le Conseiller José d’Almeida. Ce procédé, qui consiste à alterner le live, c’est-à-dire le récit principal (Imani), et le rapporté, c’est-à-dire les lettres du sergent (puis d’autres militaires portugais), apporte rythme et fluidité. Ce qui explique sans doute que cette impressionnante saga, conçue au départ comme une trilogie, ait vu les trois volumes de l’édition originale (Caminho) regroupés en un seul dans sa version française.
Entre Imani et le sergent Germano de Melo, qui utilise la jeune fille comme traductrice, naît bientôt un amour tourmenté. Comme militaire, Germano de Melo est « un désastre ». Mais Imani ne vaut pas mieux. Sa tribu des Vatxopi s’est finalement alliée avec la couronne portugaise. Et Imani, qui maîtrise la langue « du blanc », est vue par les siens comme trop différente. Plus tard, quand l’empereur aura été capturé et emprisonné avec sa suite sur un bateau-prison à destination de Lisbonne, les officiels portugais se serviront d’elle afin d’espionner les « sauvages ». Ils n’hésiteront pas, le temps venu, à réduire les co-épouses de l’empereur, et Imani avec elles, au rang de bonniches et de putains. « Il n’y a que lorsque j’écris que je me sens vivant et capable de rêver », avait écrit Germano de Melo. Superbe de solitude et d’intelligence, Imani fera sienne l’affirmation de son bien-aimé et c’est ainsi qu’elle triomphera, à la fin des fins, dans un happy end doux-amer.
Puisant dans l’imaginaire africain, ses croyances animistes, dans sa culture orale faite de pure et rude poésie, Mia Couto ne réussit pas seulement, dans cette fresque flamboyante, première du genre au Mozambique, à « mêler la petite histoire à la grande ». L’auteur de L’Accordeur de silences et de La Confession de la lionne, signe là un livre-manifeste, qui dit sa foi dans l’écriture et la force des femmes.
Catherine Simon

Les Sables de l’empereur, de Mia Couto
Traduit du portugais (Mozambique) par Élisabeth Monteiro Rodrigues, Métailié, 672 pages, 25

L’épopée flamboyante de Mia Couto Par Catherine Simon
Le Matricule des Anges n°209 , janvier 2020.
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