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Domaine français Du plomb et des moutons

février 2020 | Le Matricule des Anges n°210 | par Anthony Dufraisse

Avec La Certitude des pierres, Jérôme Bonnetto fait pâturer son troupeau de caractères inconciliables sur les terres de la folie.

La Certitude des pierres

L’histoire du monde pourrait commencer ici. On pourrait être en train de se promener sur des chemins inexplorés et bordés d’oubli, profiter de la virginité du matin pour faire le point sur sa vie et repartir de zéro, fonder un nouvel ordre, une nouvelle république, envisager le futur dans la certitude des pierres et la sérénité des herbes, retrouver les fondamentaux, jouir tout simplement d’être au monde avec cette illusion du premier homme, savourer le sentiment que le monde nous appartient. » Nous sommes à mi-chemin du livre et toute sa dramaturgie se trouve dans ce conditionnel : on pourrait. Seulement voilà, il y a des forces contradictoires qui s’affrontent à Ségurian, village de montage entre pâturages et rocaille. Ségurian : « cent permis pour quatre cents habitants ». De chasse, les permis. Ségurian où Guillaume Levasseur caresse le rêve de vivre au plus près de la nature, entouré de ses bêtes. Un intrus, celui-là : « le berger dérangeait l’ordre des choses », « il barbouillait les lignes » et le voilà étiqueté « mouton noir ». « Des intérêts divergents » entre le clan des chasseurs mené par Joseph Anfosso et cet idéaliste de berger, « une situation conflictuelle », « la mécanique de l’escalade », tous les ingrédients sont réunis pour un western moderne dans lequel Jérôme Bonnetto, avec habileté, se refuse à prendre parti. Il se tient rigoureusement dans une neutralité arbitrale, comptant les points, exposant les raisons des uns et les intentions des autres, s’évertuant à ne pas juger, à ne pas trancher, jamais, en faveur de.
Son texte ne serait que « des histoires de moutons et de chasseurs », on serait sans doute moins captivé. Le vrai fond de la chose, le sens profond du propos réside ailleurs : dans le rapport que nous entretenons au monde, une relation souvent illusoire qui permet à notre existence de prendre sens. Entre les chasseurs et le berger, oui, évidemment, il y a une opposition de style de vie. Une opposition qui questionne notre sentiment de possession du monde, cette corde que chaque jour il nous faut faire vibrer pour trouver le bon accord.
Jérôme Bonnetto, qui avait précédemment signé Vienne le ciel et Le Dégénéré (tous deux chez L’Amourier), se montre à l’écoute des sentiments qui animent, jusqu’à un point de non-retour, c’est-à-dire jusqu’au pire, ses personnages. Il raconte l’orgueil, la fierté, l’intégrité, des qualités qui deviennent des fêlures, des sources d’aveuglement. L’exacerbation des tensions, comme dans tout bon western, lui sert de prétexte pour regarder des hommes qui se rêvent plus grands qu’ils ne seront jamais. Au fond, c’est lui le berger, Bonnetto, qui fait pâturer son troupeau de caractères inconciliables sur les terres de la folie et du jusqu’au-boutisme. « Composer avec ce sentiment du désastre » à l’œuvre, c’est ce qu’il fait tout du long. Peintre du paysage intérieur d’êtres voués à se haïr, il est aussi, et avec une grande sensibilité, le photographe (ce que l’auteur, au sens propre, est par ailleurs) d’un monde organique et minéral, théâtre de la fatalité.

Anthony Dufraisse

La Certitude des pierres,
Jérôme Bonnetto
Inculte, 190 pages, 16,90

Du plomb et des moutons Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°210 , février 2020.
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