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Poches A rose is a rose

juillet 2020 | Le Matricule des Anges n°215 | par Christine Plantec

Une biographie passionnante qui retrace les riches heures de Gertrude Stein, ou l’histoire d’une expatriée mondaine, poète, collectionneuse d’art dont l’œuvre littéraire, par son originalité, continue de susciter l’admiration.

Les premières pages consacrées à la vie de Gertrude Stein commencent par un lieu – Paris 6e, 27 rue de Fleurus, où une plaque commémorative indique « Gertude Stein 1874-1946 / Écrivain américaine / Vécut ici avec son frère Leo Stein puis Alice B. Toklas / elle y reçut de nombreux artistes et écrivains de 1903 à 1938 ». C’est dans ce lieu que l’écrivain, traducteur et poète Philippe Blanchon inscrit sa biographie, lieu emblématique de la Capitale qui vit passer tout le gotha de la littérature du début du XXe siècle et de l’art moderne. D’où vient que pour parler des Hommes, on convoque des lieux ? Peut-être parce qu’ils participent du culte des disparus et œuvrent à leur mémoire sans la tristesse des cimetières. Peut-être aussi parce que les lieux continuent d’être dans la vie, rue de Fleurus aujourd’hui, transformée par le progrès et l’époque, ainsi que fut Gertrude Stein toute son existence, en perpétuel mouvement.
Qui fut-elle ? Comment approcher la vie d’une femme qui traverse une époque bouleversante émaillée de deux guerres, qui émigre en Europe à une période où c’est davantage dans l’autre sens qu’on traverse l’Atlantique ? Petite dernière d’une fratrie de cinq enfants, les Stein se retrouvent orphelins alors que Gertrude n’a que 14 ans. Mais leurs parents laissent une fortune considérable qui mettra leur descendance à l’abri du besoin. Passionnée de littérature, d’histoire et de darwinisme, G.S. démarre des études de psychologie. Elle y rencontre William James (frère de Henry) qui enseigne que « notre vie intérieure révèle deux états, l’un dynamique et l’autre statique. Il écrit dans son Précis de psychologie : “Quand nous jetons un coup d’œil d’ensemble sur le merveilleux courant de notre conscience, ce qui nous frappe dès l’abord, c’est une succession d’allures très différentes”  ». Toute la vie de G.S. pourrait n’être envisagée qu’à l’aune de cette conception : une succession d’allures cristallisée en un « présent continu ».
Bien que dilettante (elle est recalée à sa quatrième année de médecine), sa passion durable est l’écriture. C’est en 1903, qu’établie rue de Fleurus avec son frère Léo, elle achève son premier texte, Q.E.D. Le couple fraternel se passionne pour la peinture moderne et acquiert ses premières toiles. Toulouse-Lautrec, Renoir, Cézanne. Puis Bonnard et Matisse entrent dans la collection Stein que le Tout-Paris vient admirer dans l’appartement près du Jardin du Luxembourg. Enfin, Picasso qui se lie d’une profonde amitié avec l’écrivaine. Philippe Blanchon raconte que c’est pendant les longues séances de pose dans l’atelier du peintre espagnol que Gertrude élabore sa conception de l’écriture. Alors que dans le portrait de son amie Picasso unit le post-impressionnisme d’un Gauguin aux prémices du cubisme, l’Américaine est convaincue que pour restituer littérairement ce flux de conscience il est indispensable de bouleverser la grammaire afin que passé et futur fusionnent dans le présent. Ces deux-là étaient faits pour se rencontrer ! G.S. achève Trois vies, l’histoire de trois femmes, des cœurs simples emportés par le flot d’une conscience et dont la forme préfigure celle de Joyce. Américains d’Amérique est pétrie de cette même prose répétitive et ratiocinante qui, concernant l’écriture du souvenir, trouvera son expression magnifique en 1932 dans Autobiographie d’Alice Toklas ; celle-là même qui pendant plus de trente ans est « l’épousée » de G.S.
Sauf que la langue n’est pas la peinture ! « Une rose rouge fraîche et un rose coupé rose, un affaissement et un trou vendu, un peu moins chaud  » écrit Stein dans Tendres boutons. Si l’avant-garde picturale du XXe siècle surprend par la radicalité de ses choix, Picasso affirmant qu’il « ne peint pas les choses comme elles semblent être mais comme elles sont », le décapage qu’opère Stein sur la langue est mal perçu. Les éditeurs se montrent frileux. On va jusqu’à interroger la santé mentale de la poète. Convaincue de son génie, elle se défend des attaques avec humour. Ce qui compte après tout, ce sont les livres : Tendres boutons, Les Guerres que j’ai vues, Autobiographie de tout le monde… Et depuis notre XXIe siècle, la certitude que Stein fut non seulement une défricheuse inouïe mais un être radicalement libre.

Christine Plantec

Gertrude Stein, de Philippe Blanchon
Folio, « Biographie », 312 pages, 9,70

A rose is a rose Par Christine Plantec
Le Matricule des Anges n°215 , juillet 2020.
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