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En grande surface C’est qui qu’a fait Proust

octobre 2020 | Le Matricule des Anges n°217 | par Pierre Mondot

Le Temps des tempêtes de l’ancien président tout juste digéré, voilà qu’on entame Le Temps gagné de Raphaël Enthoven. Carla Bruni se tient à l’intersection de ces récits autobiographiques mais le philosophe nous révèle une connexion antérieure avec le politique. Lorsqu’il convola avec Justine Lévy, fille de Bernard-Henri, le futur chef de l’État se sentit obligé d’apporter sa bénédiction au jeune couple en participant à la constitution du trousseau : « C’est ainsi que, sans me connaître, Nicolas Sarkozy m’offrit une cloche à fromage. Et je suis probablement le seul homme sur Terre à pouvoir, sans délirer, prononcer une phrase pareille ». Dans son livre, l’auteur se plie aux injonctions de l’époque et appose sur le minois de l’ex-mannequin un masque en tissu certifié Afnor : la chanteuse apparaît sous les traits d’une joueuse de tennis retraitée, avec pour alias Béatrice Luca (Enthoven, touche-à-tout de génie, cosigna autrefois un recueil d’anagrammes). N’empêche, on la reconnaît : « Et puis, donc, il y avait son cul. (…) Qui bombait comme un fruit de Cézanne dans un paysage de potins et de fesses renonçantes. »
Mais c’est attaquer ce compte-rendu par la fin : à l’issue du récit, le coup de foudre du narrateur avec la chanteuse lui permet de se libérer de l’être factice qu’il fut trop longtemps pour être enfin lui-même, un philosophe très suivi sur Twitter.
Reprenons. « Premier roman », avertit l’éditeur sur le bandeau. Autant pour solliciter l’indulgence du lecteur que pour se prévenir de futurs procès en diffamation. Déjà raté dans le second cas puisque l’un des protagonistes vient de porter plainte. Isi Beller, pédopsychiatre, s’est en effet reconnu dans la figure d’Isidore, psychiatre, et irascible parâtre (quand on répète que le port d’une simple visière en plexiglas ne constitue pas une barrière suffisante). L’homme l’éduqua à coup de beignes, mais cette violence physique ne fut rien comparée à sa violence verbale : « je n’avais pas fini ma phrase que deux gros poings avaient déjà fait trembler la table. “Non mais, pour qui tu te prends ? Ta mère te demande la moutarde, tu lui donnes la MOUTARDE !” ».
Car Raphaël, lassé d’avoir longtemps joué l’ange, singe aujourd’hui la bête et décide de « rendre les coups » encaissés dans sa jeunesse. Après beau-papa, « ce con », vient le tour de Faustine, l’épouse, « l’idiote ». Victime comme lui de ce que l’on pourrait nommer le syndrome de la seiche, qui consiste en cas de conflit à noyer l’adversaire sous un flot d’encre, Justine Lévy éjacula autrefois une pâle autofiction dans laquelle notre auteur apparaissait comme un jeune ambitieux narcissique : non seulement il la forçait à avorter après cinq mois de grossesse au prétexte qu’on ne pouvait préparer simultanément des biberons et l’agrégation de philosophie, mais en plus il la trompait avec la propre femme de beau-papa. Vexé par ce portrait à charge, Enthoven s’estime donc en droit d’appliquer la loi du Talion. Avec peut-être, chacun en jugera, un léger déséquilibre. Œil pour œil, dent pour dent et ici, pet pour vesse : « En cette matière, Faustine était une artiste, et des siècles de vie commune dans dix-huit mètres carrés, je ne l’ai jamais entendue chier. (…) D’une main gantée de PQ, elle attrapait les grumeaux timides qui lui sortaient des fesses et les posait elle-même, inaudiblement, dans l’eau. » C’est drôle, mais on ne peut s’empêcher de s’interroger sur les circonstances dans lesquelles le narrateur recueillit ce surprenant aveu. Je la faisais parler dans son sommeil, explique-t-il naïvement quelques pages plus loin. D’accord Raf, mais quelle fut ta question ?
On ne s’étonnerait pas que de tels passages donnent aux producteurs de télé-réalité de nouvelles idées. Une série, intitulée Les Germanopratins pourrait à peu de frais remplacer Les Marseillais. On perdrait sûrement en élégance mais le succès d’audience serait garanti.
Enthoven, par son titre et les divers clins d’œil dont il parsème son récit, place son œuvre sous le patronage de La Recherche. Marcel Proust ? Disons plutôt Proust en marcel, avec biceps apparents, glaviots virils et main soupesant l’entrejambe : « Faustine avait joui si fort ce jour-là que l’écho de ses cris enchantés couvrait un peu les sermons de la dondon spirituelle. »
Raphaël Enthoven commente ses souvenirs avec la même autorité, la même verbosité que pour un cours magistral sur la Théodicée. Délivre ses confessions avec des accents de conférencier. Et ces mémoires rangées à la mode de Beauvoir, cet autoportrait en chaire et en mots dans lequel le narrateur domine du début à la fin son sujet finissent par lasser : tout ça paraît trop vrai pour être beau.

Pierre Mondot

C’est qui qu’a fait Proust Par Pierre Mondot
Le Matricule des Anges n°217 , octobre 2020.
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