Victimes des pesticides, les oiseaux disparaissent. Et – hop ! – réapparaissent dans les livres, comme celui-ci dont l’auteure entend leur faire à la fois un refuge et un mausolée. Sujette britannique et Irlandaise d’adoption, Erica Van Horn œuvre habituellement dans le livre d’artiste, ce qui, selon toute apparence, lui laisse assez de loisir pour observer les oiseaux et recenser leurs frémissantes irruptions dans son quotidien. En résulte une trentaine de textes courts qui, en vérité, relèvent bien plus de la « tentative d’épuisement » à la Perec que du catalogue sentimental auquel on était en droit de s’attendre au vu des vignettes aimablement maladroites de l’illustratrice. Rien de gnangnan, en effet, dans cet inventaire où, en définitive, volette assez rarement la mésange. L’oiseau n’y est même parfois présent que sous une forme assez métaphorique, qu’il s’agisse d’un épouvantail, « immense épervier aux ailes déployées » toujours en mouvement, de la photo d’un cardinal qu’une vieille femme oppose aux seuls « Oiseaux Bruns et Ternes » peuplant sa région natale, ou bien, tout simplement, de l’installation d’un nichoir ou de l’achat d’un seau de graines. Ce qui frappe, surtout, c’est l’omniprésence de la mort. Les oiseaux rencontrés ont le plus souvent cané ou manqué le faire : restes d’un pigeon dévorés par le chien, massacre de corneilles, passereaux assommés contre les vitres, bébés choucas tombés dans la cheminée… sous leur gazouillante insouciance, les oiseaux ont une vie de chien. Mais une vie tout de même, dont la grâce un peu froide de ce petit livre rend admirablement compte, dans sa familiarité comme dans sa sauvage et radicale altérité, même quand elle se mêle à la nôtre. Et ce n’est pas le moindre mérite d’Erica Van Horn que de parvenir à approcher les oiseaux sans les enfermer, pas même dans une jolie cage en papier.
Yann Fastier
Nous avons de pluie assez eu
Erica Van Horn
Traduction Cléa Chopard
Dessins Laurie Clarck
Héros-Limite, 72 pages, 16 €
Domaine étranger Nous avons de pluie assez eu
novembre 2020 | Le Matricule des Anges n°218
| par
Yann Fastier
Un livre
Par
Yann Fastier
Le Matricule des Anges n°218
, novembre 2020.