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En grande surface Ne rien lâcher

mai 2021 | Le Matricule des Anges n°223 | par Pierre Mondot

Vitiligo. Ça ressemble à une formule low-cost de la SNCF, c’est en réalité le nom du mal qui blanchit l’épiderme d’Édouard Philippe. Moins d’un an après son départ, l’ancien chef du gouvernement publie un livre et s’affiche à nouveau. Choc : la tâche a crû dans les mêmes proportions que la dette publique. Grosse en tout comme un œuf en début d’épidémie, elle recouvre à présent presque en totalité la joue. Avec un côté noir et en même temps un côté blanc, le visage d’Édouard Philippe exprime désormais la plus parfaite neutralité. Le voilà qui porte le macronisme chevillé au corps.
Le stress, avancent les médecins pour expliquer la pelade. Sans aucun doute. Car souvent, Édouard flippe : « La peur de se tromper. Celle de ne pas être à la hauteur, de se méprendre sur l’époque, sur les circonstances ou sur les personnalités. Une peur physique, qui comprime le torse et liquéfie l’estomac. (…) Une peur qui serre le cœur jusqu’à la nausée. » Autre symptôme de la tension qui enserre le personnage : les lapsus. Au long de son exercice, le Normand les multiplie : « Nous avons commencé doucement mais sûrement, dès début juillet 2017, pendant le premier discours de politique générale, en promettant qu’“on ne dépensera pas plus en dix-huit qu’en disette”. »
Nousavons commencé, dit-il ? Oui, car Impressions et lignes claires (c’est le titre, mais ce pourrait être aussi le nom d’une gamme de service à thé chez Geneviève Lethu) fut composé à quatre mains (on devrait dire à deux). L’autre paire appartient à Gilles Boyer, alter ego. Les garçons ont déjà réalisé deux romans ensemble, des « thrillers politiques », « mélange de nous deux » qu’ils considèrent, ce qui est touchant, comme « deux bébés ». Le nous désigne donc le binôme – l’un dans l’autre – même dans les occasions où c’est la langue seule d’Édouard qui fourche.
Ces sympathiques frères siamois avertissent en introduction que « le livre n’est ni une chronique, ni, à proprement parler, un récit des 1145 jours passés à Matignon, ni un essai, ni un ouvrage programmatique ». Mais quoi alors ? Difficile de répondre, car on y trouve un peu de tout. Des commentaires enthousiastes sur nos institutions : « Notre Constitution est une merveille ». Ou des propos plus légers pour discuter des mérites comparés des séries politiques ou des biographes de Churchill. Aucune indiscrétion. Quitte parfois, à frustrer le lecteur. Ainsi, à la fin d’un passage sur Claude Chirac : « Elle nous a donné, dans un moment sensible, le conseil le plus marquant de ces 1145 jours. » Lequel ? Tu sauras jamais parce que Éd, mec, c’est une tombe. Qui préfère « la liberté floue de l’implicite à la clarté souvent contraignante de l’explicite ».
Sinon, les titres des chapitres rendent hommage à des classiques : « La promesse de l’aube », « Moderato cantabile », « Les raisins de la colère »… L’homme, qui au printemps dernier décrétait inessentielles les librairies, célèbre les livres. Sarkozy, Valls, Le Maire, Macron, Mélenchon, tous clament la main sur le cœur leur amour de la littérature. Des bibliothèques de dingue. Mais dont on peine toujours à repérer les effets dans l’action publique. Sur la table de chevet du maire du Havre, Cyrano de Bergerac : « parce qu’il est le plus français des héros. » Ou parce que le scénario reflète sa relation à Emmanuel Macron. Le Premier ministre occupé à rédiger dans l’ombre des réformes dont le Président usera pour charmer les foules.
Le dernier chapitre rompt avec l’organisation des précédents. Intitulé « Impression soleil couchant », il réunit, sous forme de fragments, tout ce que le duo semble avoir échoué à placer ailleurs. Le texte reste corseté jusqu’au bout, mais les sujets évoqués se font de plus en plus disparates. On navigue ainsi de « Sibeth N’Diaye » (elle a son petit caractère, mais elle est sympa) à « Cheminées » (rien de tel qu’une bonne flambée dans les étages de Matignon). Avec une escale aux obsèques de « Johnny » : « sortir et regarder autour de soi pour constater que la France est là : tous les âges, toutes les régions, toutes les professions, tous les milieux » (mais faux, beaucoup n’y étaient pas – au Matricule la rédaction s’est contentée d’envoyer une gerbe).
L’ouvrage se clôt sur une ultime inquiétude. Un fragment intitulé « Signatures » : « Catherine Nay, Michèle Cotta, Jean-Pierre Elkabbach, Alain Duhamel… Adolescents, nous guettions ces grandes voix, ces grandes signatures (…). Et eux, que se disent-ils en nous voyant, en comparant avec les très grands qu’ils ont côtoyés ? »
On n’en sait rien. Mais sur ce qui l’éloigne des « très grands », en plus de confondre la nation avec les fans de Johnny, on pourra justement proposer ce dernier morceau. Réaliser qu’il a travaillé trois ans dans l’espoir de plaire à Elkabbach raccourcit finalement le bonhomme.

Pierre Mondot

Ne rien lâcher Par Pierre Mondot
Le Matricule des Anges n°223 , mai 2021.
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