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Poésie De la désirance en braises

octobre 2021 | Le Matricule des Anges n°227 | par Richard Blin

Hymne à la chair, la poésie de Patrizia Valduga traverse les peaux et impose une voix dont la foudre lente irradie le merveilleux néant de l’amour.

Cent quatrains érotiques

Lent quatrains à rimes croisées, quatre cents vers faits d’hendécasyllabes – le vers de la tradition italienne – pour dire la nuit d’amour d’un homme et d’une femme qui acceptent de se soumettre aux exigences d’Éros, qui se parlent, se touchent, s’accouplent et s’essaient à ce qu’offre le sexe quand, dans la fièvre et l’avidité brutale du désir, il incite à être tout, et même ce que l’on n’est pas. Ils sont signés Patrizia Valduga, une poétesse italienne, née en 1953, traductrice de John Donne, Mallarmé, Kantor, Céline. Parmi la douzaine de titres que compte son œuvre, Cent quatrains érotiques est le premier à être traduit en français.
Portés par une écriture à corps ouvert, à mots nus, ces quatrains relèvent d’une sorte de transaction secrète entre le « mystérieux esprit courtois » – à qui Valduga demande d’être son guide et de l’aider à ne cacher « ni envies vraies, ni honteuses vérités » – et la nécessité poétique qui tend à nous entraîner au-delà de nous-mêmes.
Mais comment énoncer l’intime dans la langue de tous ? Comment s’y prendre pour que la langue soit adéquate à l’excès qui fait écrire ? En choisissant la forme contrainte, l’espace minimal du quatrain, qui oblige à condenser et permet de contenir la violence charnelle, répond Valduga. En faisant du présent l’unité de temps de l’écriture, l’élément qui donne au texte une immédiateté qui ajoute de la présence à la présence. En faisant du désarçonnement et de la juxtaposition des contraires la source d’effets qui cherchent à inventer la musique savante qui manque souvent au désir. En théâtralisant aussi chaque scène, en donnant à la parole la même place qu’au corps. « Je veux que ta voix me couvre de sa force.  » « Maintenant tu sais : j’ai besoin de mots./ Tu dois apprendre à m’aimer comme je veux./ C’est ma raison malade qui prévaut :/ Je t’en supplie, parle ! parle, nom de Dieu ! » Afin que le désir se dédouble dans les mots qui le disent, et comme si l’acte sexuel était aussi une chair racontée, reprise par des mots qui étayent, élargissent le sentir initial tout en contribuant à l’enrichir. Ou comme si entre la parole et l’acte se créait un entre-deux propice au déploiement du théâtre baroque de l’extase.
Deux voix qui se répondent ou plutôt deux pensées qui s’affrontent, celle de l’homme qui veut posséder, impose, exige – « Prends-la toute, prends-la jusqu’au bout :/ tu dois me sentir tout entier en toi, / et je veux entrer en toi de partout… » – et celle de la femme qui préférerait jouer – « Jouons à l’élève et au professeur. » –, se montre accueillante, cherche, derrière l’éclat luxueux et sauvage du pathos sexuel, comme sous ce qui sous-tend l’éperdu de l’acquiescement, le vertige de l’insaisissable et l’oubli d’elle-même. « C’est parce que j’ai peur, peur de mourir,/ que je meurs à crédit, par-ci par-là. » Deux pensées asymétriques qui soumettent le corps et le langage à une tension contrastante, qui décheville l’âme du corps. « Je sens que mon âme s’en va tout près/ des choses qui n’ont ni nom, ni langage. »
En faisant grincer la crécelle crue du langage du sexe comme le registre poétique de la langue, Valduga assume la passion d’une parole de part en part somatisée. En grande prêtresse de la volupté du suggéré, de la joie d’imminence et de l’art du lâcher-prise, elle dénude le nerf du désir et ne cesse de relever le défi d’un éros qui invite à tout risquer. Avec le fol espoir de donner tort à Lacan affirmant qu’il n’y a pas de rapport sexuel, tout au plus des corps qui s’accouplent sans se rencontrer.

Richard Blin

Cent quatrains érotiques
Patrizia Valduga
Traduction de l’italien et postface de Paolo Bellomo et Camille Bloomfield
Nous, édition bilingue, 128 pages, 15

De la désirance en braises Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°227 , octobre 2021.
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