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Domaine français À la vie, à la mort

janvier 2022 | Le Matricule des Anges n°229 | par Anthony Dufraisse

Quelques années dans la peau d’un croque-mort pour mieux comprendre le sens d’une existence.

Comme si je m’étais préparé toute ma vie à endosser un jour cet habit de croque-mort, comme si je le savais depuis toujours : c’était un métier ajusté à celui que j’étais devenu – un roseau qui plie mais ne rompt pas. À défaut d’être artiste, je serais croque-mort, sans regrets – sans regrets quant au monde de l’art que je quittais, sans non plus être effrayé par la perspective de côtoyer dans la durée le monde funéraire dont j’ignorais tout. » On vous présente François Durif, 53 ans, dont c’est le premier livre publié après bien des carnets de notes tenus pour soi seul. Un jour, il a radicalement changé de vie pour aller voir du côté de la mort. « Artiste esseulé », il se reconvertit « dans les pompes », comme disent trivialement entre eux les conseillers funéraires, et à sa grande surprise montre d’étonnantes dispositions à évoluer dans cet univers. Cette expérience professionnelle, qui durera de 2005 à 2008, Durif nous en fait le récit passionnant. Ce n’est pas seulement une visite guidée des coulisses de « l’ordonnancement des obsèques », pas une simple visite commentée des mœurs de la « famille des croque-morts ». Quand on est publié chez Verticales, c’est qu’il y a autre chose, quelque chose qui interroge la nature de l’écriture comme vecteur d’expression du monde en soi. Durif ne se contente pas, non, de raconter des anecdotes, de partager des choses vues et vécues de l’intérieur ; il veut surtout exposer « les raisons intimes qui [l]’ont fait entrer dans les pompes funèbres, aussi bien que celles qui [l]’en ont fait sortir », et ce faisant, il s’expose.
Si l’auteur se révèle étonnamment doué pour exercer ce métier et nous en restituer la symbolique et l’esthétique, c’est qu’il fonctionne comme une éponge. Une prédisposition psychologique qui se matérialise d’ailleurs dans un attachement presque pathologique à l’objet spongieux. Il avoue en effet volontiers « un rapport affectif aux éponges »  : « Oui, je garde toutes mes éponges ; même usées, je n’arrive pas à m’en séparer ». Cette collection maniaque serait ainsi comme la manifestation métaphorique d’un homme qui absorbe tout ce qui se passe autour de lui. Arpenter en sa compagnie les allées, ou plutôt, comme il dit, « les méandres » du fameux cimetière parisien du Père-Lachaise illustre d’une autre façon, là au milieu des tombes, comment l’environnement s’imprime en lui. Mais le plus émouvant peut-être ici n’est ni dans le portrait d’un reconverti qui se prend d’une passion viscérale pour son office de quasi « prêtre laïc », ni dans le contact quotidien avec l’entourage des défunts. Ce qui donne son poids et sa gravité au récit c’est, coups de sonde à cœur ouvert, le retour de Durif sur son enfance et l’évocation de son homosexualité, l’un et l’autre donnant à comprendre le cheminement souterrain d’un esprit et d’un corps vers cette vocation de croque-mort. « L’exercice auquel je me prête avec vous aujourd’hui m’expose aux contradictions les plus intimes : d’un côté je n’arrête pas de dire que je ne joue pas ou qu’il ne faut pas jouer avec ça – avec sa mort comme avec ses morts – et d’un autre, je ne peux nier qu’à ma manière, je joue aussi, j’oscille pas mal, inventant des parades, des paraboles, des micro-récits qui m’obligent à préciser quelque chose de la relation que j’instaure avec les morts qui me regardent de près ».
Le lecteur accepte cette ambiguïté tout au long du livre comme une condition requise pour accéder à une vérité du lien qui unit la communauté des vivants à celle, « plus vaste encore, des morts ». « Tout ce que j’ai appris dans ma vie a quelque chose à voir avec la nécessité de faire avec le boiteux, le faillible, l’incomplétude ». Ces mots, que François Durif certainement contresignerait, sont de Delphine Horvilleur. En lisant ce livre-ci, on repensait au récent Vivre avec nos morts. Petit traité de consolation de la rabbine. Durif, lui, en approchant de si près les ombres, signe un très personnel petit traité de considération de la mort.

Anthony Dufraisse

Vide sanitaire
François Durif
Verticales, 303 pages, 19,50

À la vie, à la mort Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°229 , janvier 2022.
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