Le texte fait suite à une commande passée par la compagnie de marionnettes La Marmaille auprès de l’autrice Julie Aminthe. Suite à de nombreuses années d’intervention en hôpital gériatrique, les comédiens de la compagnie ont voulu témoigner et montrer que dans un Ehpad les résidents ne sont pas des choses attendant tranquillement de disparaître. Mais des gens comme nous, un peu amoindris peut-être, mais toujours sensibles, pleins d’envies, travaillés par le besoin d’affection, de douceur, de tendresse, mais aussi par la colère, l’impatience et la mauvaise humeur. Face à eux, Lucie, l’aide-soignante, tente de répondre à toutes ces demandes avec beaucoup d’attention, de bienveillance et d’humanité. La mise en page sur trois colonnes nous offre à droite une vision globale de l’établissement avec ses bruits et ses voix, au centre se placent les répliques ou les pensées des personnages, et à gauche les commentaires et les didascalies.
Dans l’Ehpad, cinq résidents composent une petite société dont les rêves, les fantasmes et les désirs bien réels sont assumés loin de tout misérabilisme. Naïma s’offre régulièrement des aventures avec Clint Eastwood, George Clooney ou Poutine, Marie-Lou lorgne les desserts des autres et ne manque pas de lucidité lorsqu’elle évoque ses enfants : « Des sangsues qui ne viennent que pour faire antidote à leur mauvaise conscience Je n’aurais jamais dû les mettre au caté », Jeanne aimerait bien dormir avec Naïma et Pierre est en manque de relations. Mais les conditions de travail de Lucie se détériorent, sa vie personnelle bascule et sa seule injonction devient dès lors d’aller vite, de gagner du temps. Les résidents voient bien le changement mais que faire ? Tous les cinq décident ensemble de faire entendre leurs revendications « Parce que nous ne sommes pas morts Non Pas encore (…) Et nous voulons des changes en dentelle Et nous voulons nous dévorer les lèvres ». C’est un texte sans verbiages, sans paroles inutiles et ces personnages attachants nous accompagnent longtemps.
Patrick Gay-Bellile
Feuferouïte (faut faire entendre)
Julie Aminthe
Quartett, 96 pages, 12 €
Théâtre Feuferouïte
mars 2022 | Le Matricule des Anges n°231
| par
Patrick Gay Bellile
Un livre
Le Matricule des Anges n°231
, mars 2022.