La complémentarité de leurs profils est un atout. Lilas Carpentier, qui est graphiste, s’occupe de la partie conception/fabrication. Guillaume Mélère, qui a une formation littéraire – agrégé de lettres modernes, cet ancien prof de français est aussi traducteur –, prend en charge la partie « textes ». Les deux trentenaires ont créé les Monts Métallifères en 2021. Preuve de leur sérieux : la jeune maison est diffusée par Harmonia Mundi. « Notre enthousiasme un peu naïf et notre projet atypique ont dû séduire », sourit Guillaume, comme d’avoir inauguré le catalogue avec un roman anglais préfacé par David Lodge… Son propre panthéon ? Arno Schmidt, Thomas Bernhard et Antoine Volodine, « pour citer un auteur français ». Autrement dit, des maîtres en excavations.
Guillaume Mélère, qu’est-ce qui vous a poussés tous les deux à devenir éditeurs ? Y a-t-il eu des modèles inspirants ?
Nous ne nous sommes jamais dit que nous allions « devenir éditeurs ». Et si Lilas connaît un peu ce milieu, il m’est quant à moi complètement étranger. Au départ, il y avait juste l’envie de faire exister des projets qui nous tenaient à cœur : pour Lilas, une anthologie du dessinateur anglais William Heath Robinson (à paraître à l’automne), encore très peu connu en France, et pour moi Exemplaire unique, un roman inédit en français de Milorad Pavić, un auteur qui m’est très cher, et L’Homme à histoire, de Malcolm Bradbury, que j’avais commencé à traduire pour le plaisir. Il n’était pas question de gagner de l’argent, mais simplement de ne pas en perdre. Les références que l’on cite le plus dans nos discussions sont sans doute le Tripode ou Monsieur Toussaint Louverture, qui allient exigence éditoriale, éclectisme et élégance graphique. Mais nous nous sentons aussi proches d’autres éditeurs plus récents, comme Do, le Typhon, Tusitala ou Héliotropismes, qui font des choix de textes toujours très singuliers, de littératures moins visibles, tout en proposant des livres très beaux.
Les principaux monts métallifères, riches en minerais rares, se situent à la frontière germano-tchèque. La métaphore s’impose : votre aventure éditoriale s’apparente-t-elle à une sorte de chasse au trésor ?
Ce serait beau ! Nous aimerions pouvoir dire que nous avons découvert nos livres dans une vieille malle oubliée au fond d’un grenier poussiéreux, ou à la bibliothèque du Vatican. Mais plus que la métaphore de la chasse au trésor, c’est celle de la mine qui semble pertinente : il existe des centaines de milliers de livres publiés dans des dizaines de langues. Et parmi ces tonnes et ces tonnes de livres publiés, il y a une infime part de grands textes inconnus, c’est-à-dire de textes que nous serions susceptibles de publier. Le premier obstacle qui nous sépare de nos futurs livres est donc cette masse de livres, qui obstruent le passage. L’autre grand obstacle est la langue, d’où l’importance de discuter avec les traducteurs, voire à les envoyer parfois...
Éditeur La possibilité d’une mine
mars 2022 | Le Matricule des Anges n°231
| par
Philippe Savary
Les tout premiers ouvrages des Monts Métallifères montrent une vraie curiosité pour des textes créatifs – et un soin apporté à l’objet-livre.
Un éditeur