Les livres de Thomas Vinau sont décidément de parfaits contrepoisons aux fils d’infos. Expériences de l’intériorité et moments de bonheur ici versus bruit et fureur ailleurs. C’est toujours un plaisir d’entendre à nouveau ses si personnelles petites ritournelles d’ici-bas. Comme ses précédents recueils, celui-ci aussi nous touche par sa célébration du présent tel qu’il est, bricolé du matin au soir, entre instants privilégiés de solitude contemplative et vie de famille effervescente. Attentif aux moindres frémissements de la nature, aux agissements des bestioles en tous genres, Vinau observe au quotidien ce qui germe, ce qui passe, ce qui s’efface, ce qui tremble aussi. Par temps pluvieux, il est ce « genre de bonhomme (qui) invente des histoires d’amour entre le verre et l’eau » ; aux beaux jours, il compte les grains de beauté sur la peau hâlée du monde. Partisan souvent de l’anaphore qui berce, il brasse mille et une petites choses dans ses pages, chercheur inlassable de ces petits riens qui font pourtant tout le goût de l’existence. « Il y a toujours quelque chose à fêter », dit-il ici ; « Je suis cette petite plante carnivore qui digère le monde immobile. Je prends ce qui vient à moi », écrit-il plus loin.
Sous la bienveillance tutélaire d’un Jean-Claude Pirotte et d’un Pierre Autin-Grenier, Thomas Vinau, qui n’ignore pas « la grosse plaie dégueulasse du temps », la recoud comme il peut. Avec « des mots brindilles », avec « des mots en fil de glace et en patte d’araignée ». La prose poétique de cet homme-là est celle d’un chansonnier qu’inspirent les minuscules extases. Chasseur-cueilleur des « pauvres et belles poussières de nos vies », il a des psaumes modestes au creux des paumes, et nous les offre sans rien attendre en retour. Simplicité de la langue, générosité du geste : « Je n’écris pas pour donner de leçon. J’écris pour goûter. Et pour faire goûter. J’écris pour garder et pour regarder ». Il y a une leçon de vie, quand même, dans tout ça : il faut apprendre à vivre au présent, ici et maintenant ; demain, il sera trop tard.
Anthony Dufraisse
Vivement pas demain
Thomas Vinau
La Fosse aux ours, 125 pages, 16 €
Domaine français Vivement pas demain
mars 2022 | Le Matricule des Anges n°231
| par
Anthony Dufraisse
Un livre
Le Matricule des Anges n°231
, mars 2022.