Heureuse idée que la réédition de ce premier roman de François Salvaing, publié en 1974. Mon poing sur la gueule est, comme son titre l’indique, un récit percutant, « nerveux et tendu comme un ring », nous dit à juste titre la quatrième de couverture. Mais c’est aussi un texte porté par une verve grinçante. La réussite du livre tient à la rencontre sur une table de dissection d’un village de western, avec son saloon, ses brutes avinées, ses prostituées, sa violence larvée et son racisme, et de deux boxeurs noirs amenés là par un élégant gentleman qui se propose d’organiser un combat. Le procédé est vieux comme les fables, mais toujours aussi efficace : glissez le ver dans le fruit et asseyez-vous tranquillement pour observer comment un endroit qui se prétend paisible et respectable ne tardera pas à se fissurer puis à imploser en exposant en plein jour l’étendue de sa misère. Salvaing joue de tout cela brillamment, dans une langue vive et ironique qui, une fois lancée, ne lâche plus la bride. Il nous concocte une belle galerie de filous, de rouleurs de mécaniques et d’imbéciles, sans oublier, naturellement, quelques acteurs d’une autre trempe qui sauront tirer leur épingle du jeu.
Face à l’idée du match de boxe, les réticences sont d’abord nombreuses, notamment de la part du pasteur, qui fait la leçon à ses ouailles : « dans un lieu où les plus malheureux d’entre vous ont cherché l’illusoire secours de l’alcool, un homme, qui fait sa fortune du malheur et de la perversité des hommes, vous appelle à un combat entre deux nègres. Ce sera bien la première fois qu’à Jeffrington des créatures d’enfer auront droit de cité, que des chrétiens iront dépenser l’argent acquis par le dur labeur quotidien pour voir deux païens se livrer à leur diabolique sarabande. » Quoi qu’il en soit, le combat a lieu, les paris vont bon train, jusqu’à ce que quelqu’un ait la mauvaise idée de filer à l’anglaise avec la caisse contenant tout l’argent desdits paris (une belle somme). Une chasse à l’homme commence et les péripéties s’enchaînent pour le plus grand plaisir pervers du lecteur.
Guillaume Contré
Mon poing sur la gueule
François Salvaing
L’Arbre vengeur, 224 pages, 16 €
Domaine français Noir western
avril 2022 | Le Matricule des Anges n°232
| par
Guillaume Contré
Un livre
Noir western
Par
Guillaume Contré
Le Matricule des Anges n°232
, avril 2022.