La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine étranger La fin de l’empire rouge

avril 2022 | Le Matricule des Anges n°232 | par Thierry Cecille

Durant trois mois, en 1991, Tiziano Terzani explore, avec perspicacité, empathie et humour, les républiques asiatiques de l’URSS qui s’autodétruit.

Bonne nuit, Monsieur Lénine

En ces jours sombres où l’hubris poutinienne redonne à la Russie sa fatale ambition conquérante, il est bien sûr d’un grand intérêt de retourner en arrière pour assister à l’effondrement de ce qui a précédé : l’URSS de Gorbatchev. Paru en Italie en 1993, ce récit de voyage de Tiziano Terzani est donc opportunément traduit aujourd’hui par les Éditions Intervalles, qui poursuivent ainsi leur entreprise de découverte de ce célèbre grand reporter italien. Nous avions déjà pu lire, par exemple, ses Lettres contre la guerre, vibrant plaidoyer argumenté contre l’intervention américaine en Afghanistan. C’est la même intelligence alerte, la même acuité pleine d’humanité que nous retrouvons dans ces pages où nous allons le suivre de la frontière chinoise en Sibérie jusqu’à Moscou, en passant par le Kazakhstan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, l’Azerbaïdjan et l’Arménie.
Tiziano Terzani se trouvait sur l’Amour, qu’il devait parcourir sur toute sa longueur – 4 350 kilomètres ! – quand il reçut la nouvelle du putsch qui, à Moscou, tentait de ravir le pouvoir à Gorbatchev mais serait en fait, quelques semaines plus tard, à l’origine de la fin de l’URSS. Aussitôt sa décision fut prise : « Je prévoyais de partir deux semaines, je suis parti deux mois. Je pensais que j’allais simplement longer un fleuve jusqu’à l’extrémité géographique de l’empire soviétique, je me suis retrouvé à voyager jusqu’à l’extrémité historique de cet empire ». Où qu’il aille, en effet, il est confronté au « cadavre du communisme » mais cadavre, la plupart du temps, récemment enterré par les communistes eux-mêmes, ayant revêtu, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, les habits neufs du nationalisme. Terzani voyage seul, débrouillard, rusé et tenace, recourant parfois, mais avec difficulté, à des journalistes locaux que des collègues moscovites lui conseillent. Il tente d’éviter les rendez-vous officiels avec des apparatchiks à la langue de bois bien pendue et préfère les rencontres de hasard, les conversations informelles mais bien plus riches avec un chauffeur de taxi en colère, un universitaire désabusé ou un représentant placé sur écoute d’une opposition encore balbutiante.
Des leitmotivs scandent le récit, les uns plutôt comiques – sa quête acharnée de « savon à raser  », les statues de Lénine qu’on déboulonne et qui parfois même disparaissent durant la nuit – mais d’autres plus pathétiques ou inquiétants. Il ne cesse ainsi, de s’attrister de la laideur des villes, des ruines postindustrielles, de l’inélégance et de l’épuisement des habitants. Voici une « Cité du soleil » : « Une fois de plus, un euphémisme socialiste pour déguiser ou embellir quelque chose d’horrible (…) la misère d’une lugubre agglomération de maisons grises, toutes identiques, et d’usines et de bureaux le long de rues très larges et sales, dans un paysage désolé sans arbres et sans couleurs : un camp de travail pour prisonniers qui croient être libres ». Il s’alarme surtout – avec nombre de ses interlocuteurs – des tensions nationalistes : l’empire communiste, surtout du fait de Staline, a mêlé, dans chacune de ces républiques désormais indépendantes, des populations différentes qui se jalousent, se méprisent voire se haïssent, Ouzbeks contre Tadjiks, Azéris contre Arméniens. Les Russes y sont souvent minoritaires mais occupent des postes administratifs importants ou font fonctionner les quelques usines encore en marche. Et puis l’islam se réveille… Quant à l’Iran et à la Turquie, Terzani les voit avancer leurs pions, plus ou moins habilement. Que sera demain ? La rencontre avec Lénine, seul dans son mausolée, apportera-t-elle une réponse ? Il s’y rend : « Au centre, à l’intérieur d’un cercueil de verre, lui, Lénine, pas un cadavre, pas une momie, mais juste une tête chauve, poudrée, avec des moustaches et barbe postiches, deux mains orange potelées qui flottent, comme suspendues dans l’air. (…) Il m’a fait de la peine, lui aussi (…) c’est pourquoi j’ai spontanément souri et lui ai murmuré : Bonne nuit, Monsieur Lénine !  »

Thierry Cecille

Bonne nuit, Monsieur Lénine
Tiziano Terzani
Traduit de l’italien par Marta de Tena
Éditions Intervalles, 336 pages, 23

La fin de l’empire rouge Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°232 , avril 2022.
LMDA papier n°232
6,50 
LMDA PDF n°232
4,00