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Poches Cigarettes, whisky & p’tits papiers

mai 2022 | Le Matricule des Anges n°233 | par Jérôme Delclos

Loin de la Catalogne et de 1984, l’humour british et très punchy de George Orwell en expert des métiers du livre.

Sommes-nous ce que nous lisons ?

Les éditions Mille et une nuits ont la bonne idée de réunir en un recueil quatre inédits d’Orwell, pondus entre 1936 et 1946. Le sérieux du titre, Sommes-nous ce que nous lisons ?, masque l’humour de celui que l’on connaît bien comme romancier, essayiste, révolutionnaire, mais moins comme libraire et critique littéraire (pour la seule année 1940 « il traite cent trente-cinq livres », et « un peu plus de sept cents livres et films » tout au long de sa vie, dixit son traducteur).
« Souvenirs de librairie » relate l’époque où Orwell marnait dans une bouquinerie. Outre la description apocalyptique de sa journée de travail toujours trop longue, du froid qui règne dans la boutique l’hiver (sans quoi la vitrine se couvre de buée et l’on n’y voit plus les livres depuis la rue), de la poussière qu’attirent les livres et des mouches qui viennent y mourir, ce sont surtout les clients qui mettent le libraire d’ancien au supplice. Il y a « la délicieuse vieille dame qui « cherche un livre pour un infirme » », il y a « les toqués », habitués qui jamais n’achètent aucun livre, les tordus qui en commandent et que l’on ne revoit plus, et il y a surtout, redoutée entre toutes, « la personne en voie de décomposition qui sent les vieilles miettes de pain et vient tous les jours, éventuellement plusieurs fois par jour, tenter de vous refourguer des bouquins qui ne valent rien ». En somme, l’enfer : « Aimerais-je être libraire de métier ? (…) Non ».
La condition de critique littéraire n’est pas plus enviable. Ici, l’abonné.e au Matricule saura enfin ce qu’endurent de déchéance ses rédacteurs et trices. « Dans une chambre froide et pourtant étouffante, jonchée de mégots de cigarettes et de tasses de thé à moitié vides, un homme (ou une femme, pour ce qui concerne notre troupeau d’esclaves) vêtu d’un peignoir rongé par les mites et assis à une table branlante (…)  ». À quoi emploie-t-on la pauvre créature ? « Un métier qui suppose, non seulement, d’encenser des bouses (…), mais aussi d’inventer en permanence des réactions à des livres qui n’en provoquent pas l’ombre d’une ». Comment, par quelle méthode, quels sont les secrets de fabrique du critique ? Orwell non seulement nous déroule tout le processus nerveux par lequel passe la bête de somme – l’attente angoissée du colis du rédac’ chef, l’inévitable déception à son ouverture (« Seigneur, quel ramassis de foutaises »), la procrastination qui précède la lecture, la pression du délai et la nausée éprouvée lors de cette épreuve qu’est le « feuilletage » des livres – mais il nous confie aussi les trucs du « pisse-copie » pour boucler un papier « trois minutes avant l’heure limite » et dans « la longueur demandée ». Las, « Pendant ce temps, la poste lui aura déposé un nouveau lot de livres mal assortis et peu ragoûtants. Et le cycle se répète » pour le Sisyphe graphomane.
Le chapitre « Les bons mauvais livres » traite de cette catégorie fascinante : un livre mauvais mais suffisamment « bon » pour se vendre. C’est l’immense majorité des titres. Pas une once de pensée ne doit s’y trouver. « L’existence de la bonne mauvaise littérature (…) nous rappelle que l’art et la pensée sont deux choses distinctes » Ainsi de La Case de l’Oncle Tom, « roman involontairement grotesque et bourré de péripéties ridiculement mélodramatiques  ».
Enfin, « Des livres ou des cigarettes » nous prouve par A plus B qu’il est bien moins onéreux de lire que de fumer et descendre quotidiennement ses pintes comme le fait tout être civilisé. Pourquoi alors, étonnamment, lit-on si peu ? Parce que « la lecture est un passe-temps moins captivant que les courses de chien, le cinéma ou le pub ». En bref, une pépite que liront à fond tous les « acteurs de la chaîne du livre », à supposer qu’ils lisent. Ou alors… une p’tite fiche ?

Jérôme Delclos

Sommes-nous ce que nous lisons ?,
George Orwell
Traduit de l’anglais par Charles Recoursé
Mille et une nuits, 52 pages, 3

Cigarettes, whisky & p’tits papiers Par Jérôme Delclos
Le Matricule des Anges n°233 , mai 2022.
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