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Théâtre Le monde comme une pomme

mai 2022 | Le Matricule des Anges n°233 | par Patrick Gay Bellile

Simon Falguières fait de son épopée théâtrale une histoire pleine de bruit et de fureur mais aussi de poésie et de tendresse.

Depuis toujours la mission première du théâtre est de montrer le monde sur une scène. D’en faire un récit à transmettre et de donner un sens à l’histoire. Il aura fallu sept ans à Simon Falguières pour écrire Le Nid de cendres et nous convaincre aussi que le théâtre peut changer ce monde après l’avoir raconté. C’est après une année passée au cours Florent, qu’il décide d’écrire et mettre en scène pour les compagnons de sa promotion.
Et tout commence par une image : deux moitiés d’une même pomme dont le but est de se réunir : « Notre histoire est une marmite à confitures où deux gros hémisphères de pomme, pas pelés, pas coupés, refusent de compoter, de rendre leur jus, de faire tambouille, de se fondre dans la masse pour finir au fond du pot et attendre. » D’un côté il y a le réel, le présent, l’aujourd’hui, « l’Occident blessé », un monde qui s’écroule, un monde ravagé que nous connaissons bien, mis à feu et à sang par les incendiaires, et abandonné par les habitants forcés de fuir. Jean, Julie et leur petit enfant Gabriel sont de ceux-là. Pour sauver Gabriel, ils le laisseront à une troupe de théâtre ambulante, une troupe de théâtre qui n’abandonne jamais : « On apprendra des textes pour ne pas oublier. On se les récitera la nuit en cachette du monde. (…) Et on jouera sans mots. / Nous n’avons plus de thé. / Fais bouillir de l’eau et on imaginera le goût. » Et puis l’autre moitié, l’autre côté du monde : l’imaginaire, le royaume des contes et présages, la poésie, les rois, la reine endormie que ses enfants devront tenter de sauver en allant chercher celui dont le roi a rêvé et qui seul pourra la guérir. Et après ses frères qui ont échoué, voilà Anne partie sur le chemin de la gloire, de la rédemption et de l’amour : « Dépêchez-vous, mesdames ! La mer nous attend ! Tirez sur les cordages ! Chargez les victuailles ! Dites adieu ! Le temps nous manque ! Au loin, l’aventure agite son lourd drapeau ! Si vous ne savez pas comment faire, faites ! Si vous ne savez pas comment dire, dites ! » Anne et Gabriel se trouveront bien sûr, et reconstitueront la pomme, promesse d’un avenir réconcilié car « On ne fait de grandes choses qu’en étant amoureux et je crois que je t’aime, Gabriel. Je crois que je t’aime. » Mais les choses n’iront pas tout à fait comme prévu et « il n’aura pas fallu longtemps pour que le ver vienne au cœur de la pomme ».
Alors, bien sûr, il faudra 370 pages pour parvenir à ce résultat. Parce que les rencontres, les échecs, les amours aussi tisseront un voyage dont l’achèvement n’est peut-être pas le but essentiel. Il s’agirait plutôt de remettre en marche la vie, d’espérer, de chanter et de danser ce qui ne peut se dire.
Simon Falguières fait de son épopée une histoire pleine de bruit et de fureur mais aussi de poésie et de tendresse. Les quelque 50 personnages du récit se retrouvent souvent deux par deux pour parler, se comprendre, transmettre des souvenirs, mais aussi avancer ensemble. L’écriture est belle de toutes les questions posées, questions essentielles mais aussi petites questions subalternes ; avec beaucoup d’humour et de légèreté, une distance, un regard posé sur ce monde terrible, épouvantable, mais tellement attachant. Et des personnages évocateurs : le Temps, typiquement shakespearien, qui assume de l’être et en profite pour accélérer le déroulement des événements, ou le président, déguisé en voyante, qui manie l’anaphore avec dextérité à l’égal d’un autre en son temps : « Moi, dernier homme… »
Avec ce texte, l’auteur choisit de montrer le monde avec ses monstruosités et sa beauté essentielle, et de le tendre à chacun comme on tend un miroir. Pour qu’il s’y voit tel qu’il est et décide peut-être qu’il est temps de changer. Alors oui dans ce cas, le théâtre est une chose essentielle. Comme le pensaient sans doute Sophocle, Shakespeare et Homère que Simon Falguières convoque dans sa pièce. Et il y a un peu de ces trois-là dans Nid de Cendres : de l’épique, du tragique, du drame, de la folie, et puis cet humour toujours présent qui ne manque jamais de venir rappeler à l’homme qu’en fin de compte, il est quand même tout petit. Le Nid de cendres est une formidable aventure que l’on suit avec jubilation comme on voit une étoile filante soudain traverser le ciel. Et l’on se prend à faire un vœu…

Patrick Gay-Bellile

Le Nid de cendres
Simon Falguières
Actes Sud-Papiers, 376 pages, 23

Le monde comme une pomme Par Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°233 , mai 2022.
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