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Domaine étranger Retour au père

mai 2022 | Le Matricule des Anges n°233 | par Julie Coutu

Portrait d’une Irlande rurale, Entre toutes les femmes de John McGahern sonde l’intimité de la famille et l’ambivalence de ses sentiments.

Entre toutes les femmes

Les éditions Sabine Wespieser nous convient à une redécouverte, avec la nouvelle publication de ce texte de John McGahern depuis longtemps indisponible – précédemment paru (dans la même traduction, par Alain Delahaye) en 1990. De l’auteur, disparu en 2006, on peut souligner l’influence sur toute une génération d’écrivains irlandais – on pense à Claire Keegan, à Colm Tóibín, à Donal Ryan notamment. La lecture d’Entre toutes les femmes, considéré comme pièce maîtresse de son œuvre, atteste de cette influence ; tant du fait du choix des sujets – une Irlande rurale, le poids de la famille et de la religion, le rôle des femmes –, qu’au travers l’écriture proposée par McGahern, tout en sobriété, sans éclats, sans affect apparent, limpide et parfaitement épurée.
Le titre peut se référer aussi bien à l’omniprésence féminine, comme un guide de tous les instants chez les Moran, n’en déplaise au Père, qu’à la prière, omniprésente dans l’univers à la fois archaïque, désuet, et en plein bouleversement que présente le récit. Peu importe. John McGahern écrit une saga familiale prise au moment où le patriarche lâche prise, commence à redouter la mort, longtemps tenue à distance, et avec elle son cortège de mémoires et regrets. « Quand il se mit à s’affaiblir, Moran commença à avoir peur de ses filles. » Des filles depuis longtemps parties et en même temps toujours à ses côtés, incapables de quitter véritablement la demeure familiale, à force de s’y être projetées, incapables de tourner le dos à leur père, à trop s’y être soumises.
Le regard des femmes et le prisme du père composent et ordonnent le roman. Tout y est conduit, sans heurts, sans à-coups, presque : sans bruit. C’est un récit de la vie comme elle va au fond d’une campagne irlandaise. Le choix des mots, leur économie aussi, donne au texte une dimension élégiaque. Bien sûr, la famille Moran se démarque. Michael vit en retrait et impose sa distance au monde à ceux qui l’entourent. Si ses filles sont là, de même que sa deuxième femme Rose, ses fils sont partis ; le plus jeune, élevé par ses sœurs, laissera les rancœurs s’effacer, mais l’aîné lui ne reviendra jamais. C’est un des regrets, jamais nommé comme tel, qui taraude Moran, le hante jour et nuit. De même que les souvenirs des combats menés pendant la guerre civile. Qui ont façonné l’homme, sa réputation, sa solitude, son orgueil. Qui l’ont conduit à transposer sur le terrain domestique la rigidité de ses années de guerre. Un sale moment, mais dont il raconte à ses filles qu’il aura été « le meilleur moment de notre existence. Par la suite plus jamais les choses n’auront été aussi simples et aussi claires. Je crois que nous n’avons jamais réussi à nous adapter vraiment ».
Cette idée de l’adaptation ou l’inadaptation au monde est au cœur du roman. Au milieu de ses terres, solitaire, égrenant son chapelet avant chaque repas, Michael Moran est un vestige d’une société en pleine transition à laquelle il ne souhaite pas s’intégrer. Son Irlande se vit repliée sur elle-même, comme sa famille, qu’il n’a de cesse de régenter. Pourtant, dans l’intimité du foyer, ses faiblesses apparaissent, et avec elles, la force des femmes de la maison qui ne se laissent que rarement détourner de leurs objectifs. Sa longue et lente décrépitude leur ouvre un horizon de liberté. « Les femmes semblaient à chaque pas retrouver une nouvelle force. C’était comme si elles avaient voué une fidélité et un amour intransigeants en tout premier lieu à cette famille et à cet homme unique entre tous. Et maintenant qu’elles l’abandonnaient sous les branches de l’if, elles avaient l’impression, chacune à sa manière distincte, d’être devenues papa. » Une manière comme une autre de réinventer leur existence.

Julie Coutu

Entre toutes les femmes
John McGahern
Traduit de l’anglais (Irlande) par Alain Delhaye
Sabine Wespieser, 340 pages, 22

Retour au père Par Julie Coutu
Le Matricule des Anges n°233 , mai 2022.
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