Un livre

Les Jours sombres

de Gregory Brown

Editions Gallmeister

L’histoire n’est pas réellement jubilatoire ; et le titre annonce la couleur. Pourtant, Les Jours sombres s’avère contre toute attente un roman étonnamment lumineux. Pour ses personnages, et leur désespérance mâtinée d’attente. Pour ses paysages. Pour les histoires et les légendes livrées au compte-gouttes, dont la lecture éclaire le monde alentour, ses mystères et ses drames.
En inscrivant son récit au bord de la rivière Penobscot, sur les terres indiennes, dans un environnement riche de ses légendes, ses mythes, ses douleurs, Gregory Brown écrit un texte à dimension presque magique, porté pas un lyrisme étroitement lié à la Nature et aux esprits. Liant entre elles trois familles, liens de sang, d’amour, d’amitié, de hasard, il raconte la bascule de ses personnages de l’enfance vers l’âge adulte, contrainte par des événements non maîtrisés, jamais anticipés, et au parfum pourtant d’inéluctable. Le roman est tout entier orienté par la question de la culpabilité et du pardon, chacun de ses protagonistes aux prises avec ce questionnement, celui du choix, de l’inévitable prise de décision, dont on ne mesure jamais parfaitement les conséquences avant d’avoir agi. Tous sont ainsi confrontés à leurs erreurs, parents, enfants, comme submergés par leur histoire, mais cherchant en parallèle et à tout prix, à l’écrire et la réinventer. Le narrateur, David Almerin Ames, nous la livre, telle qu’il se la rappelle, telle qu’il l’a subie, sans filtre, sans fioritures, sans fausses pudeurs. Il raconte, son père et la cruauté de sa disparition, de son absence, sa mère et ses engagements, son amour de toujours pour la fille des voisins, et sa fascination répulsion pour le père de cette dernière, les incompréhensions qui minent leurs deux familles, les débats et obsessions qui agitent leur petite communauté. Il raconte comme on délivre sa relative sauvagerie. Et derrière ses mots, on pleure la fin de l’innocence, et la perception d’un monde, plus complexe, plus dense, plus riche. Un monde à vivre.

J.C.

Les Jours sombres
Gregory Brown
Traduit de l’américain par Juliane Nivelt
Gallmeister, 336 pages, 23,70 e