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Théâtre Le Luxembourg mis à nu

septembre 2022 | Le Matricule des Anges n°236 | par Patrick Gay Bellile

Entre théâtre documentaire et fiction, Ian de Toffoli explore la face cachée du Grand-Duché.

Trilogie du Luxembourg

Terres arides, Tiamat, Confins
Editions Espace d'un instant

Le titre déjà interpelle : Trilogie du Luxembourg. Le Grand-Duché de Luxembourg, vu d’ici, paraît n’être qu’un petit pays enclavé, l’un des plus riches au monde, mais un paradis fiscal dont paradoxalement l’un des ressortissants, Jean-Claude Junker, fut tout de même pendant six ans le président de la Commission européenne. L’auteur lui-même parle de son pays comme d’un « bourrelet de l’Europe ». Ian De Toffoli est né au Luxembourg, de famille émigrée italienne, ces Italiens venus en nombre chercher du travail dans les mines et les aciéries au tournant des années 60. Confins, la troisième et dernière pièce de la trilogie, nous raconte cette histoire et celle de l’Europe. Des extraits de discours de Churchill, Junker, von der Leyen, l’actuelle présidente de la Commission européenne, des articles de lois, des dates, des chiffres, tout cela donne à la pièce un caractère documentaire et historique affirmé. Et pourtant l’auteur nous installe dans un futur très lointain. La Terre est devenue inhabitable, en proie aux guerres et à la désolation. En 2030, le Luxembourg a construit un vaisseau spatial gigantesque et embarqué 1000 personnes qui voyagent depuis cinq générations. Il leur reste encore une centaine d’années avant de parvenir à destination, une exoplanète sur laquelle il ne sera plus nécessaire de travailler, des robots sophistiqués se chargeant de tout. Et le président du futur acte la fin des temps présents : « Dites adieu à ce soleil, chers concitoyens. Dans l’histoire de l’humanité, la migration est une condition humaine, mais vous, vous aurez été les derniers migrants ». Ou comment un pays, riche grâce à tout un business extrêmement lucratif, envisage l’avenir de la planète.
Terres arides, la première pièce de la trilogie, se présente, elle, comme une conférence. Un journaliste de RTL ayant appris que S., un ressortissant luxembourgeois, avait rejoint l’État islamique, été fait prisonnier et se trouvait à présent dans une prison du kurdistan syrien, décide d’aller l’interviewer. Après avoir franchi toutes les étapes, obtenu toutes les autorisations, la rencontre a lieu. L’homme prétend être venu en Irak pour apprendre la religion et pas du tout pour faire la guerre. Une vidéo dans laquelle il pourrait figurer semble dire le contraire puisque, s’il s’agit de lui, il abat un prisonnier d’une balle dans la nuque. Il aurait été reconnu à la voix et à l’accent. Alors que faire dans ce cas ? « Car tout est lié. Le sort de S. et des oubliettes kurdes, les décisions de la justice luxembourgeoise, l’aboutissement de cette guerre confuse, les intérêts européens, l’image que nous voulons donner de l’Occident et de nous-mêmes, notre sécurité à l’avenir et la radicalisation des prochaines générations. » Et si une démocratie ne prend pas en charge le sort de ses ressortissants, peut-elle encore s’appeler démocratie ?
Enfin, il y a Tiamat, un monologue d’une trentaine de pages, une seule phrase rythmée par un découpage en petits paragraphes, qui met en scène un avocat d’affaires, plus ou moins véreux, plus que moins d’ailleurs, et dont le travail consiste à rendre légales des affaires qui ne le sont pas ; en l’occurrence, à fabriquer des papiers pour l’importation d’objets d’art provenant du pillage des monuments irakiens par l’État islamique. L’homme s’est réfugié dans le seul bar encore ouvert, et il a envie de parler. Il a besoin de parler. De raconter sa vie à quelqu’un, à quelqu’un de différent, d’un autre milieu, peut-être la seule personne qui saura l’écouter. Sur le ton de la confidence, il nous révèle tous les rouages, les secrets, les complots, les spéculations qui règlent les affaires du monde. Et comment des objets d’art volés dans un pays en guerre se retrouvent dans les grands entrepôts des ports francs luxembourgeois. Cette troisième pièce est une pure fiction, cette fois.
Avec cette Trilogie du Luxembourg, en variant les écritures et les dramaturgies, Ian de Toffoli nous raconte l’histoire d’un pays, membre éminent de toutes les instances internationales, qui, derrière une façade claire et transparente, et un aspect tranquille et sans histoires, cache des pratiques et des rêves pour le moins troubles. Et nous conforte dans l’idée qu’il est toujours utile d’aller chercher des textes et des auteurs dans des lieux situés un peu à la marge, un peu en dehors : le Luxembourg par exemple.

Patrick Gay-Bellile

Trilogie du Luxembourg
Ian de Toffoli
L’Espace d’un instant, 174 pages, 16

Le Luxembourg mis à nu Par Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°236 , septembre 2022.
LMDA PDF n°236
4,00