Le 13 janvier 2021 meurt Marielle de Sarnez : après avoir été, très proche de François Bayrou, vice-présidente du Modem, elle avait été nommée, en 2017, ministre chargée des Affaires européennes. Auprès d’elle, durant les dernières semaines de souffrance et d’angoisse dues à la leucémie qui allait l’emporter, se tenait sa fille, Justine Augier. La mère, avant de s’en aller, prononce ce vœu : « Il faut que tu l’écrives, ce livre sur la littérature et ses pouvoirs ». Les pages que nous découvrons obéissent donc à cet ordre, intime, et composent alors une sorte de tombeau – au sens littéraire du terme – mais sans rien de funèbre. Il s’agit, en effet, de tenter de dire comment les mots peuvent être une force vitale, d’opposer les mots qui libèrent aux mots qui oppriment. Justine Augier a déjà combattu sur ce front, rendant hommage à l’avocate syrienne Razan Zaitouneh (De l’ardeur, prix Renaudot de l’essai) puis à l’écrivain Yassin Al-Haj Saleh (Par une espèce de miracle – cf. Lmda N°220). Elle entrelace ici, en un tissu dense, souvenirs personnels et références littéraires, images et citations, pour décrire toutes les formes d’engagement que les mots rendent possibles. C’est que « la littérature redonne au temps sa texture, l’épaissit, convoque les fantômes, ceux d’avant et ceux qui viennent, et cette conversation à laquelle toujours elle nous fait revenir demeure pleine d’espoir ». Des liens s’établissent, des échos résonnent : entre les révoltés de Syrie et les partisans d’Éducation européenne de Romain Gary, entre Hannah Arendt pensant la banalité du mal et cette mère qui toujours défendit les valeurs démocratiques mais dut démissionner à la suite d’une enquête la concernant. « Objet d’un acharnement médiatique d’une grande violence (…) elle ne s’est jamais remise de cette chute dans laquelle venaient s’incarner ses pires craintes ». Elle rejoignit alors la cohorte de ceux que Victor Serge appelle les « intelligences vaincues » – mais auxquels « l’irrésignation » (Benjamin Fondane) peut toujours redonner l’élan salvateur.
T.C.
Croire.
Sur les pouvoirs de la littérature
Justine Augier
Actes Sud, 143 pages, 18 €
Essais Croire. Sur les pouvoirs de la littérature
janvier 2023 | Le Matricule des Anges n°239
| par
Thierry Cecille
Un livre
Croire. Sur les pouvoirs de la littérature
Par
Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°239
, janvier 2023.