Une incroyable personnalité innerve la trajectoire de Marguerite Eymery (1860-1953). Stimulée par le reproche de son père qui aurait voulu qu’elle soit un garçon et en fait une amazone, énervée par les violences de ses parents, un viol précoce, un mari refusé, la petite provinciale qui a lu Zola et Sade – anticipant son Madame de Sade – et se voit encouragée par Hugo, débarque du Périgord où elle écrit des contes, dont celui d’une Eve amoureuse « d’un ange avant le réveil d’Adam »… Soutenue par sa « maîtrise des mots », elle intègre le « Club des Hydropathes », gagne l’amitié de Sarah Bernhardt, Jean Lorrain, l’amour de Maurice Barrès. Et publie à 24 ans sous le nom de Rachilde son provocant Monsieur Vénus qui intervertit les genres et fut interdit. En pleine Belle Époque, elle se heurte à une société misogyne, pour accéder à la dignité d’« androgyne des lettres » : « Le hasard a fait de moi une femme, mais ma volonté a fait de moi un homme ». Ainsi les passions peu réciproques pour Catulle Mendès et Marie-Paule Courbe se succèdent. Elle deviendra une égérie du décadentisme, offrant sa main à Alfred Valette, éditeur du prestigieux Mercure de France, publiant cependant en 1928 Pourquoi je ne suis pas féministe.
Celle qui « enterra sa vie de garçon » en épousant Valette, cette grande dame qui se voulut une vie masculine est brossée avec une plume sensuelle par Cécile Chabaud, narratrice enthousiaste et documentée, qui, étrangement, consacre bien plus de pages à la jeunesse de son héroïne qu’à sa maturité. Son récit se lit comme un roman-feuilleton, prodigue en drames et piquantes péripéties.
Thierry Guinhut
Rachilde, homme de lettres,
Cécile Chabaud
Écriture, 240 pages, 18 €
Essais Rachilde, homme de lettres
février 2023 | Le Matricule des Anges n°240
| par
Thierry Guinhut
Un livre
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°240
, février 2023.