Walter Benjamin, en tête de crise
- Présentation Un flambeur dans l’incendie
- Entretien Courroies de transmission
- Bibliographie Bibliographie indicative
- Autre papier Sur Le Capitalisme comme religion
- Autre papier Walter Benjamin contre le <I>fake</I>
- Autre papier Le courrier de l’humanité
- Autre papier Taupes, tigres, Proust
- Autre papier La mélancolie à double tranchant
- Entretien Tentative d’épuisement de l’époque
C’est un livre inattendu d’avoir été attendu si longtemps. Irving Wohlfarth le rappelle dans sa postface : Ivernel eût été le premier grand introducteur en France du penseur allemand si Mai 1968 n’avait brouillé le chercheur avec la Sorbonne. D’où une thèse interrompue, et le repli sur le Centre universitaire expérimental de Vincennes pour Ivernel qui déjà s’était distingué, dix ans plus tôt, par ses courageux articles d’opposition à la guerre d’Algérie. Il mènera de front l’enseignement, sa passion pour le théâtre engagé, et une carrière de traducteur et interprète d’Anders, Jonas, Bloch, Horkheimer, Adorno, bien sûr Benjamin, mais aussi Brecht, Döblin, Weiss ou Fassbinder.
Parmi tous ces auteurs, Walter Benjamin accompagnera Ivernel jusqu’à sa mort en 2016. Résultat du travail d’archiviste de Florent Perrier, Walter Benjamin. Critique en temps de crise rassemble des textes tenus ensemble par le souci constant du germaniste de se confronter à la lettre même du philosophe dans ce qu’elle a de plus problématique : « faisceaux de convergences où les digressions ne cessent de ramener aux thèmes, faisceaux de divergences, où le thème ne cesse de s’épanouir en digressions ». Son œuvre, « fleuve surprenant, qui multiplie les tours et les détours », « vagues ininterrompues, comme une houle », nécessite un lecteur qui parvienne à s’y orienter quand il s’y perd à chaque page. D’autant que le fil d’Ariane que déroule Ivernel dans le labyrinthe benjaminien est celui de la dialectique retorse « crise et critique » : « deux phénomènes corrélatifs, appelés à se relancer mutuellement ». L’interprétation y gagne alors sa force motrice, au plus près de la dynamique de pensée de Benjamin.
Le livre, en un sens entièrement clos sur lui-même, demeure très lisible, tandis que la trentaine de pages de fragments qui le termine sape l’impression du lecteur d’avoir, enfin, saisi quelque chose à Walter Benjamin, pour faire sienne la consigne furtive de la page 365 : « revenir au départ ». Et certes l’on y revient, mais à présent mieux averti. Ou, comme s’exclame non sans effroi – et humour – Philippe Ivernel : « Benjamin : Catastrophe ! ».
Florent Perrier est maître de conférences à l’université de Rennes 2 où il enseigne l’esthétique et la théorie de l’art. Chercheur associé à l’IMEC et aux Archives Walter Benjamin, ses travaux portent notamment sur l’esthétique de la résistance et sur les rapports entre l’art, l’utopie et le politique. Son livre Topeaugraphies de l’utopie a été édité en 2015 chez Payot.
Florent Perrier, vous vous êtes notamment fait l’archiviste de Jean-Michel Palmier, de René Schérer, de Simone Debout, et ce livre de Philippe Ivernel sort entièrement de votre entreprise de sauvetage de ses archives, depuis l’introduction de sa thèse, abandonnée au lendemain de Mai 1968, jusqu’aux derniers fragments regroupés à la fin du livre. L’un d’eux commence ainsi : « Walter Benjamin critique en temps de crise. La critique...