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Domaine étranger Tandem en galère

février 2023 | Le Matricule des Anges n°240 | par Julie Coutu

Avec Abondance, Jacob Guanzon fait le portrait de cette Amérique qui se cache, derrière l’hyper consumérisme.

Compter. Chaque dollar, chaque centime. Compter même quand il n’y a plus rien. Compter en imaginant un jour ne plus compter. Compter et ne jamais voir le début de la fin de ce long tunnel de misère et d’oubli dans lequel l’Amérique loin du rêve plonge ses laissés-pour-compte ; qui faute d’essence ne parviendront jamais au prochain rendez-vous pour un hypothétique job.
Jacob Guanzon, dans ce premier roman viscéral, qui n’en finit pas de sombrer, propose à la fois un portrait de cette Amérique de l’ombre, qui hante les parkings, entasse son existence à l’arrière d’un pick-up, s’offre pour les grands soirs un motel miteux et pour les anniversaires des enfants un burger frites au McDo, et un saisissant tandem père-fils, tout en silences, rancœurs, amour inconditionnel et dévotion. Abondance est le portrait d’une famille qui n’en est plus une, en complète dérive. Une histoire qui aurait pu être sinon heureuse, en tout cas ordinaire, mais un jour sortie de ses rails. Le chemin est long, qui a conduit Henry et Junior à s’abriter dans ce véhicule à la vitre brisée, se laver dans les lieux publics, en espérant un hypothétique retournement de situation, qui offrirait pourquoi pas un monde meilleur. Ou au moins le retour à la vie d’avant. Le chemin est long, chaotique, et surtout, tristement, irréversible. Et chaque centime économisé ou dépensé, est là pour le rappeler.
Quand on rencontre Henry, il s’apprête à fêter l’anniversaire de son fils, 8 ans. Et 24 heures, à peine, vont suffire à sceller leur destin. Le temps pour Jakob Guanzon de délivrer une vie entière : toute de flash-back, d’immersions dans la mémoire et les regrets d’Henry. Son récit porte le poids de la fatalité ; de ces héritages familiaux qui pèsent et dont il est impossible de se défaire.
Alors que père et fils dorment dans leur voiture depuis des mois, ce soir, après le Big Mac, il y aura une nuit au chaud, un bain. Un cadeau, même. Demain, il y aura école pour le petit, et un entretien d’embauche pour son père, une dernière chance. Tout n’est pas perdu, rien n’est jamais terminé, Henry s’accroche. Pour Junior, il veut ce qu’il peut de mieux, même si ça n’a l’air de rien.
Jakob Guanzon alterne les chapitres, anniversaire, histoire ancienne, jeunesse de Henry, ses parents, son père philippin, ses rêves laissés de côté pour une vie sur les chantiers, sa mère, américaine, universitaire. À son décès, Henry se retrouve seul, avec un père amer, incapable de montrer l’amour qu’il porte à son fils. Une histoire de culture, de solitude, d’échecs ressassés. Henry grandit, bancal. Drogue, overdose ; quand il rencontre Michelle il se pense sauvé. C’est compter sans les faiblesses tragiques, des unes, des uns. Opioïdes, dettes, délits, prison. À sa sortie, Henry retrouve un enfant qui ne le connaît plus, et une compagne toxicomane. Et de conflit en errances, le voilà, comme il n’a jamais voulu devenir : père seul et triste, un enfant en souffrance, et pas grand-chose à l’horizon. Que l’espoir, comme une flammèche, fragile, et cette volonté de tout donner tout faire tout tenter pour son fils.
Jacob Guanzon ne nourrit aucune illusion. Mais à mener son récit, en alternant époques, souvenirs, et désespérance du quotidien, il crée cette attente, naïve : oui, Henry ira à son entretien. Décrochera le job. Pourra repartir. Recommencer. Mantra du tout est possible. Et pourtant, on a bien compris, dès la première douleur au ventre de Junior, son teint livide, la fièvre qui monte, qu’il n’y aurait pas de porte de sortie. Abondance, c’est comme un concentré de misère, dans la vraie vie. Là où rien de meilleur ne saurait advenir. Là où tout ce qui est possible, c’est de ralentir, un peu la chute. Abondance, c’est cette Amérique qui se cache, derrière l’hyper consumérisme, le bien sous tous rapports. En bref : un drame.

Julie Coutu

Abondance
Jacob Guanzon
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles Bonnot
La Croisée, 224 p., 22

Tandem en galère Par Julie Coutu
Le Matricule des Anges n°240 , février 2023.
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