Un livre

Il est fou !

de David Audibert , Guy Lévis Mano

Editions Quiero

Impeccablement imprimé sur papier de cagettes à fruit, de ce beige-gris qui ravit les amateurs de bibliofilia povera, la plus précieuse souvent, le premier recueil de poèmes de Guy Levis Mano, il est fou ! reparaît. C’est un homme encore jeune qui le publie en 1933. Son activité littéraire avait débuté dix ans plus tôt avec lancement de La Revue sans titre à laquelle il avait associé quelques amis. Il avait alors 19 ans, ce fils de Salonique (1904), et il manifestait déjà et son humeur de poète et son goût pour la typographie. En face du cimetière du Montparnasse, il publiera sous la marque de « GLM », ses initiales, plus de cinq cents ouvrages jusqu’en 1974 forgeant une identité graphique sobre au classicisme éprouvé et un catalogue imparable de la poésie française du siècle dernier (Jouve, Penrose, Chedid, Prévert, Schehadé frère et sœur, García Lorca…)
Si son rôle majeur d’imprimeur-éditeur des poètes est notoire, on a tendance à oublier qu’il eut droit à son volume de la collection « Poètes d’aujourd’hui » pour des vers qu’il n’est pas mauvais de relire. « Mes yeux sont beaux/ j’ai un marteau et des clous/ qui veut de ma marchandise/ je cloue rêves sur les fronts. » En huit cahiers non brochés imprimés en deux tons, sous chemise de carton de même aspect fruste, ses poèmes de jeunesse à la tonalité brutaliste ont le charme des questionnements où le temps, l’ennui, et les mains s’activent. Et il y a aussi la « reine des grandes folies », la nuit, avec cette « grosse femme qui me regarde », et le rêve qui l’engloutit, plus quelques autres folies…

Éric Dussert

Il est fou !
Guy Levis Mano
Illustré par David Audibert
Quiero, 64 pages, 25 €