Un livre

De l’argent à flamber

de Asta Olivia Nordenhof

Editions Argonautes

Roman-anticapitaliste. Par cette formulation attrape-mouche, cet ouvrage pourrait nous être vendu. Mais communication et littérature ne font pas bon ménage. Naturaliste, le qualificatif apparaît moins sexy, mais plus pertinent, à moins que les six prochains opus de cette saga prennent des allures de pamphlet, de Germinal scandinave. Le nœud de l’histoire pourrait être l’incendie volontaire du Scandinavian Star, navire aux 159 passagers sacrifiés à la suite d’une escroquerie à l’assurance, à la fin du siècle dernier. Après ce malheur pourtant, le navire retapé continue le massacre, ruinant Kurt, transporteur qui perd toutes ses économies. Mais la focale est axée sur le couple improbable qu’il forme avec Maggie. On emboîtera les pas de chacun. Leur existence, de l’enfance à la mort, leur rencontre, la violence, les non-dits défileront pêle-mêle en mode aléatoire. Des fragments de vies, de morts que l’on déchiquette comme les feuilles d’un artichaut. Acides quasi toxiques, tendres et furtives, d’infimes noyaux de beauté cachés sous des tonnes de merde, de sexe et de sang car dans cet ouvrage sans pathos on peut s’aimer d’amour tendre malgré les viols et les coups. Kurt, alcoolique, fêtard et volage est-il victime d’une éducation machiste, capitaliste ? Maggie qui prend les coups et serre les poings, certainement ! « Kurt, c’est ainsi qu’il s’appelle, a dû devenir le patron, car ce rôle ne lui colle pas encore vraiment à la peau, il reste fragile, en surface, comme une menace. » Contraste à cette noirceur, l’écriture vive, presque limpide et très habitée d’Asta Olivia Nordenhof, née en 1988. Elle décrit des faits, sans juger, mais les ponctue de silences, de suspensions, d’élisions qui créent de la tendresse, de la beauté, de l’ironie, parfois du burlesque. « À la fin de la journée, sa fureur l’a tellement épuisée qu’elle le laisse ramper vers elle. Je t’aime dit-il, et elle répond la même chose. »

Dominique Aussenac

De l’argent à flamber
Asta Olivia Nordenhof
Traduit du danois par Hélène Hervieu,
Les Argonautes, 226 pages, 19 €