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Domaine étranger Traversées mentales

mars 2023 | Le Matricule des Anges n°241 | par Thierry Guinhut

Bordé de références littéraires, l’onirique roman du Chypriote Sofronis Sofroniou défie les bulles temporelles.

La métaphore du jeu d’échecs innerve ce roman, météore plus qu’étrange. Car au voyage dans l’espace s’ajoute celui dans le temps, entre fantastique et science-fiction. Car une partie délicate s’engage, entre la vie et la mort, entre la mémoire et l’art.
Assassiné en 1948, à la soixantaine, le narrateur, un joueur d’échecs new-yorkais, est projeté sur la planète « Petite Vie », retrouvant l’âge de 20 ans. Gagner dix ans de vie ne se fait pas sans contrepartie. Il lui incombe de se plier au « Mois du souvenir », de faire la preuve de ses facultés de réminiscence en confiant les précieuses données accumulées. Et surtout de recomposer une œuvre énorme, soit 4001, d’un certain Robert Krauss, dont le livre est un « océan de révélations intellectuelles ». D’autres comparses ont pour mission de reconstituer qui une nouvelle de Tchekhov, qui un opuscule de Kant. Son travail se fera avec le concours de Bonadea, qui porte le même prénom qu’un personnage du roman recherché.
Un long parcours s’impose, labyrinthique, ponctué de stations fantomatiques et énigmatiques ; qui pourrait être borgésien s’il était plus laconique. Couloirs blafards, salles chirurgicales, pièces renouvelées où l’on se restaure et change de vêtements, immenses paysages, sollicitations érotiques diverses, « fulgurance mnésique » et « instabilité cognitive » s’accumulent en un cauchemardesque capharnaüm. Le carambolage des espaces temporels dispose un puzzle à l’inénarrable solution, tant le but annoncé, soit l’écrivain Robert Krauss, semble introuvable, oublié même : « Étions-nous livrés aux mains d’une caste déstructurée, ou bien existait-il un plan derrière tout ce qui nous arrivait ? »
La quête permet d’explorer les continents de cette planète, de rencontrer divers types humains, parfois menaçants, dans des atmosphères souvent kafkaïennes, de s’interroger sur le rétablissement ou l’éradication des souvenirs terrestres, enfin de « saper pour l’éternité les fondements de tout rationalisme ». Les épreuves initiatiques et symboliques se succèdent, comme lorsqu’il faut passer une cuve aquatique, voir Baxter « se faire aspirer l’intégralité du cerveau », être confronté aux cohortes des nombreux Hans acharnés à restaurer « le Mécanisme »  : « un gigantesque mécanisme souterrain, conçu comme une tentative de reproduction de l’encéphale humain ». Cependant « la compréhension de l’univers et de l’existence » est l’enjeu de rivalités, de pillages : « une guerre est engagée au nom de la connaissance, de la préservation et de la survie de toute notre planète ».
Que le Chypriote Sofronis Sofroniou, né en 1976, ait étudié les neurosciences ne nous étonne guère, tant les facettes de la perception et le dédale des hypothèses interprétatives empreignent son onirique roman, qui fut d’ailleurs précédé par Les Géniteurs, non traduit.
Fulgurantes sont les premières pages. Aussi craint-on qu’au long cours les promesses ne soient pas tenues. Pourtant, malgré un rythme plus patient, une avalanche continue de péripéties, l’intérêt décroît, se ranime, tandis que le mystère reste intact. Ne serait-ce qu’à l’occasion d’allusions à la caverne de Platon, à Jules Verne, à L’Homme sans qualités de Robert Musil, à La Recherche de Marcel Proust. Ou encore lorsque les tas de vêtements deviennent ceux des camps d’extermination, dont Alfred Hitchcock aurait imaginé de tirer un film. Mais aussi à la mythologie grecque, jusqu’à une tragédie perdue de Sophocle « imprimée dans (l’) esprit du narrateur ». Récit testamentaire et postmoderne, au sens métalittéraire, cette recherche d’un écrivain mythique, butant sur des statues semblant « protégées du vieillissement », n’est pas sans rappeler celle d’Archimboldi, dans 2666 du Chilien Roberto Bolaño, quoiqu’avec des moyens romanesques aussi différents qu’excitants.

Thierry Guinhut

Fonte brute
Sofronis Sofroniou
Traduit du grec (Chypre) par Nicolas Pallier
Zulma, 368 pages, 23,50

Traversées mentales Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°241 , mars 2023.
LMDA PDF n°241
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