Sous-titré « Marilyn et ses doubles », Des blondes pour Hollywood est hanté par l’icône, mais le projecteur est braqué sur dix autres représentantes du « canon américain de la « blonde à forte poitrine » ». Sur la couverture du livre illustré de photos vintage, « Mamie Van Doren, Diana Dors et Jayne Mansfield » présentent un indéniable air de famille avec Marilyn, laquelle disait : « À ceux qui m’abordent dans la rue, je réponds parfois que je suis Mamie Van Doren ou Sheree North ». Dix noms qui s’effacent, une génération d’actrices nées autour de 1920-1930 et dont Mamie Van Doren, aujourd’hui nonagénaire, est la seule survivante.
Si l’on redoutait un remake du Hollywood Babylone du racoleur et très vachard Kenneth Anger, on sera rassuré dès les premières pages par la tendresse d’Adrien Gombeaud pour Mamie Van Doren qui donne de ses nouvelles sur Twitter. L’auteur est l’un de ses « 6932 abonnés ». « Son profil indique « Actrice, auteure, blonde atomique ». Mamie poste ici des souvenirs, des commentaires rageurs sur la politique américaine, des clichés glamour, des affiches de films oubliés et des images de son quotidien. » Son anniversaire tombant le 6 février, Gombeaud s’émeut à l’idée de lui offrir « une bague sans valeur que la ville de New York offre à tous ceux qui ont couru son marathon ».
Ce premier portrait a donné le ton, respectueux de la complexité et singularité du parcours de vie de chacune des dix femmes dans la jungle hollywoodienne. La Française de l’équipe, Corinne Calvet, déclare en voyant ses premiers clichés américains : « Ils ne montraient rien de mon véritable moi. (…) Je me sentais devenir un bout d’argile étiré, compressé, modelé par les mains du département publicité du studio ». Elle repoussera le « rude et grossier » patron de la Fox, Darryl F. Zanuck qui dans son bureau se débraguette et lui exhibe son sexe. L’histoire de Joy Lansing est édifiante. En 1953, l’année de gloire de Monroe dans Niagara et Les Hommes préfèrent les blondes, Joy tente le brun pour se démarquer du « raz-de-marée » platine. Son téléphone ne sonne plus pendant un an, et elle revient au dogme. Las ! « Pendant qu’elle était brune, la Universal a engagé Mamie Van Doren, la Columbia a misé sur Kim Novak, la RKO a débauché Diana Dors – et Jayne Mansfield s’apprête à débouler à la Fox. »
Il y a Barbara Payton, adulée dans les années 1950 mais rejetée par les Sixties. Elle se prostituera un temps dans les palaces de Chicago. À l’écrivain Léo Guild qui rédige ses mémoires, elle lâche « Je n’avais plus besoin d’être jolie ». Elle tombera – d’abord l’alcool, puis l’héroïne. Le parcours classique de la star déchue : « À son enterrement, il n’y a personne. » La très romanesque Liz Renay, elle, tombe plutôt dans la mafia. En 1955, elle a 29 ans, vient de remporter un concours de sosies de Marilyn organisé par la Fox. Elle commence à frayer avec des types qui « portent de beaux costumes et des noms poétiques en « I » et en « O » », et pour qui elle transporte des enveloppes et colis dont, dira-t-elle, elle ignorait tout du contenu. Parmi eux, « l’homme de main du parrain Albert Anastasia », Tony Coppola dit « Cappy ». Elle le quitte pour Mickey Cohen qui vient de prendre la succession de Bugsy Siegel criblé de balles (par qui ? Mystère), et elle s’installe sur les Hills dans sa demeure cossue. « J’étais devenue la fameuse Liz Renay, la muse de la Mafia, la Reine du Gang. » Mais elle est, déplore-t-elle, « grillée pour Hollywood » du fait de Life qui la montre un peu trop en maîtresse du boss. Elle passera par la case prison, alternera des rôles (dont un à 50 ans dans Desperate Living de John Waters) et « une carrière de showgirl dans les clubs de Los Angeles ». Une vie bien remplie, mais pas sans regrets : « J’aurais été une grande star si je n’avais pas été en prison ».
En 1992, Anna Nicole Smith est sacrée « playmate de l’année ». En 2007, la mort par overdose de son fils et les abus qu’elle fait de la chirurgie – un litre et demi de silicone pour parvenir au « 95E » – la poussent au suicide. Elle avait 40 ans, l’époque culte du blond platine est morte avec elle. Parmi ses tatouages, dont le Christ, une croix, la Bible, le rapport d’autopsie a mentionné un visage de Marilyn Monroe.
Jérôme Delclos
Des blondes pour Hollywood
Adrien Gombeaud
Capricci, 138 pages, 17 €
Domaine français Mélancolie peroxydée
mai 2023 | Le Matricule des Anges n°243
| par
Jérôme Delclos
Dix portraits de « doubles » de Marilyn Monroe, à lire comme un pulp, noir sous le rose bonbon.
Un livre
Mélancolie peroxydée
Par
Jérôme Delclos
Le Matricule des Anges n°243
, mai 2023.