Un livre

Bleu guitare

de Simon Baril

Editions La Tengo

Il fut un temps où les États-Unis captaient les rêves de la jeunesse du monde entier. Contre-culture, pop art, liberté des mœurs, innovations technologiques, coolitude, niveau de vie et surtout… musiques. Quatre jeunes frenchies, dans les années 1990, quittent Lyon où ils s’étaient connus au lycée pour atterrir dix mille kilomètres plus loin à Los Angeles. Ils forment un groupe de rock et de concert en concert acquièrent un succès d’estime. À la fin d’un set, leur guitariste sauvagement agressé, perd l’usage de ses mains et vit pendant neuf ans dans un trou noir. Le soleil californien se transforme en crépuscule continu pour le narrateur, zombie mutilé qui ne vit que la nuit, errant dans le labyrinthe des rues et autres avenues. Bleu guitare restitue singulièrement ce halo acerbe et désespéré de lumières artificielles, parfois opaques diffusées par des lampadaires à col de diplodocus surlignant l’écho du néant. « Je note ça comme s’il s’agissait d’un journal. Mais je n’ai certainement pas l’intention de tenir un journal », assène-t-il en début d’ouvrage.
En effet, le smoothie introspectif parvient à imposer plusieurs pistes et genres narratifs : enquête policière, romance, poésie urbaine, drame social, fantastique… Quid des motivations de l’agresseur ? Son identité ? Cette jeune actrice rencontrée quelques jours avant l’agression ? Et que vit cet enfant qui n’en finit pas de lancer une balle contre un mur pendant que ses parents se déchirent ? Questions sans réponses, qui feront passer le roman du noir Soulages au tableau de vanités avec crâne apparent, jusqu’au clair-obscur à la Hopper découvrant un jour balbutiant. Élégie pour des doigts et un rêve brisés, la fin d’une énergie, d’une insouciance, le passage à l’âge adulte. Premier roman tout en sincérité, fragilité, électrisé par une écriture aux phrases courtes, elliptiques comme un riff de guitare qui ne serait pas bleue, mais noire… Simon Baril a vécu à L.A., est le traducteur de James M. Cain, William Boyle, Emily Ruskovitch…

Dominique Aussenac

Bleu guitare
Simon Baril
La Tengo, 158 pages, 18 €