Un livre

Le Phénix

de Christos Chomenidis

Editions Viviane Hamy

À l’instar d’un Gandhi en Inde ou du frère d’Isadora Duncan, Raymond, en France, Angelos Sikelianos (1884-1951) était un personnage à la fois original et charismatique de la première moitié du XXe siècle en Grèce. Poète dans l’âme, il formait avec sa compagne américaine, la richissime historienne d’art Eva Palmer (1874-1952) un couple uni par l’amour et une obsession pour la création et la grandeur de l’Antiquité grecque. Fascinés par ses représentations culturelles depuis L’Iliade jusqu’aux danses, et animés d’une fougue sans pareil, Pâris et Ivy – puisque ce sont leurs noms dans l’agréable roman du Grec Chomenidis, Le Phénix – entretiennent assidûment une existence hors des conventions sociales. Ce qui n’est pas sans conséquence sur la fortune de l’une et la carrière poétique de l’autre. Étayé par les lettres du poète à sa muse (Ikaros, 2008) et l’autobiographie d’Eva (Hardwood Academic Publishers, 1993), le roman relate le parcours de ces personnages emblématiques de deux univers très différents, le capitalisme éclairé américain et la Grèce intellectuelle, qui aboutissent parfois à l’élaborer d’étonnantes fêtes « copiées de l’antique » à Delphes, comme celle de 1927, ou tel orgue révolutionnaire, le Panharmonium, afin de ne jamais laisser refroidir l’inspiration, pour éradiquer « enfin toutes les scléroses qui maintiennent depuis des siècles le genre humain dans la peur, le fatalisme et l’esclavage ». Des libérateurs libertins en quelque sorte, pleins d’énergie et de talent avec cet inévitable corollaire, les désaccords… La complexité du personnage de Sikelianos ressort admirablement des pages de Chomenidis, qui réveille une belle figure de poète souvent considéré, de son vivant, comme nobélisable. « Il ne joue pas. Il est réellement dévasté par le chagrin. Puis il renfourche son cœur et repart au galop. »

Éric Dussert

Le Phénix
Christos Chomenidis
Traduit du grec par Marie-Cécile Fauvin
Viviane Hamy, 415 pages, 24,50 €