Maxim Leo, journaliste au Berliner Zeitung, avait 19 ans en 1989, au moment où le Mur de Berlin a cessé de couper sa ville en deux. Il s’est raconté dans son autobiographie, Histoire d’un Allemand de l’Est, parue en 2010, puis est parti sur les traces de sa famille dans Là où nous sommes chez nous (Actes Sud).
Il signe ici son premier roman, délectable. Son portrait du héros, un type un peu minable qui tient un vidéo-club à Berlin et n’a presque pas de clients (qui loue encore des DVD de nos jours ?) est plein d’humour. Tout comme la scène suivante : Hartung, le tenancier du Moviestar, toujours une bière à la main, est dérangé par un journaliste qui veut l’interviewer. C’est bien lui qui, alors qu’il était aiguilleur aux chemins de fer, a permis la fuite vers l’Ouest de 127 personnes en 1983, à la gare de Friedrichstrasse ? Hartung dément, le journaliste insiste : il veut son scoop pour l’édition spéciale du 30e anniversaire de la chute du Mur, en 2019. Quitte à arranger un peu la vérité…
Maxim Leo continue de creuser cette matière de l’ancienne Allemagne de l’Est dans laquelle il a grandi, et qui reste méprisée dans l’Allemagne réunifiée. Ses personnages sont nombreux et complexes. Et ses questions intéressantes. Comment fabrique-t-on un héros ? Arriver en pleine lumière fait-il tourner la tête ? Jusqu’où peut-on mentir ? Est-ce le moment d’aller se chercher une autre Sternburg Pils ? Il n’y a pas de caricature dans sa prose, un personnage de salaud montre de l’humanité, une femme puissante révèle ses failles, un militant altruiste ne l’est finalement pas tant que ça. On en apprend sur les blessures laissées par l’histoire sur les hommes et les femmes de l’ex-RDA. Et on rit intérieurement devant des formules choc (pour exprimer le stress de Hartung avant un moment très crucial : il a le ventre dur comme s’il avait avalé un pneu de voiture). Le sublime se mêle au trivial.
Il faut également saluer la traduction fine et fluide d’Olivier Mannoni qui ajoute au plaisir de cette lecture instructive et agréable.
Anne Kiesel
Le Héros de Berlin
Maxim Leo
Traduit de l’allemand par Olivier Mannoni
Actes Sud, 304 pages, 22,70 €
Domaine étranger Le Héros de Berlin
juillet 2023 | Le Matricule des Anges n°245
| par
Anne Kiesel
Un livre
Par
Anne Kiesel
Le Matricule des Anges n°245
, juillet 2023.