Un livre

Le Dimanche du souvenir

de Darragh McKeon

Editions Belfond

Une nuit de 1987, en Irlande du Nord, un groupe d’hommes se glisse à travers la forêt vers une destination secrète. Ils croisent la silhouette d’un jeune garçon dans l’ombre, qui fait du camping avec son amie. Quelques jours plus tard, le 8 novembre à 10h43, une bombe de l’IRA explose durant l’office dans l’église d’Enniskillen : elle fait onze tués, et soixante-trois blessés graves. Le Dimanche du souvenir est un roman comparable à cette déflagration mortelle. Il est aussi comparable avec la déflagration, cérébrale, qu’est la crise d’épilepsie, « un état dormant jusqu’à l’explosion ». C’est en effet cette explosion mentale qui terrasse, trente ans plus tard et sans prévenir, le narrateur, Simon Hanlon, un écrivain réfugié à New York. Simon se souvient qu’il était présent dans l’église le jour où la bombe a explosé. Et qu’il était le jeune garçon qui faisait du camping quelques jours auparavant. Selon les termes implacables d’une culpabilité ressentie par l’adulte, le garçon aurait pu parler. Voire, il aurait dû empêcher l’attentat.
Le Dimanche du souvenir est donc un livre de libération. Elle est individuelle, dans le contexte de la lourde atmosphère des « Troubles » nord-irlandais, car concentrée autour de ce drame collectif enfoui dans la mémoire intime, et vécu comme le rappel impérieux d’une pathologie cérébrale. Libération de la culpabilité, mais aussi de la colère : pour comprendre ce qui s’est passé la nuit du camping, Simon écrivain « arrache de l’éther » l’homme qu’il a croisé cette nuit-là, Brendan McGovern, employé d’abattoir devenu père de famille et militant terroriste de l’IRA. Toute la seconde partie du roman s’applique à lui donner un nom, une maison, une enfance, une épouse, un projet. Et cette tentative d’humaniser l’autre fait du Dimanche du souvenir un livre où se libérer de soi passe par la compréhension de la figure de l’autre pour se pardonner à soi-même. Et donc un livre éminemment politique.

Etienne Leterrier-Grimal

Le Dimanche du souvenir
Darragh Mckeon
Traduit de l’anglais (Irlande) par Carine Chichereau
Belfond, 240 pages, 22 €