Un livre

Hors-sol

de Philippe Yong

Editions Mémoire d'encrier

Ce Hors-sol est un premier roman qui a les pieds sur terre. Il transporte son lecteur dans plu-sieurs territoires forts, en particulier en Islande, évoquée ici avec vigueur. L’auteur, Philippe Yong, né en France de parents coréens, vit à Montréal et y enseigne la littérature. 
Il a créé un personnage masculin attachant, ballotté entre plusieurs pays. Alvare, agronome portugais, part travailler au Canada dans une serre où on cultive des plantes sans terre, juste avec de l’eau et des éléments nutritifs. Le jeune homme prend plaisir à maîtriser à la perfection tous les paramètres de culture. Il s’achète un logement un peu misérable, en semi-sous-sol, et y installe un système d’éclairage époustouflant, avec des diodes qui peuvent « passer des 8000 kelvins d’un aveuglant ciel de neige aux 2000 kelvins d’un soleil rougeoyant à l’horizon. En cela, il n’était pas différent de ses plantes, qui, durant leur croissance, aimaient à se gorger d’une lumière bleue et froide avant de fleurir dans un bain rouge orangé. »
La vie et l’amour le transporteront en Islande, où les femmes ont l’habitude de décider de leur vie. Y trouvera-t-il sa place ? Plutôt que répondre à cette question, et pour ne pas gâcher le plaisir de la lecture, mieux vaut souligner la malice et le sens de l’observation de Philippe Yong. Nous sommes encore au Canada, dans la serre hi-tech. Le patron de l’entreprise annonce la venue d’une communicante de la ville de Montréal, section développement durable. « Vous allez voir, elle est très bien. Elle est passée par L’Oréal avant de faire du social. » Maquillée, parfumée, apprêtée, elle a, pour Alvare, « un avant-goût de catastrophe. (…) Il se souvint avoir lu la veille un article sur l’arrivée de la carpe asiatique dans les cours d’eau canadiens : comment lutter contre une espèce invasive qui allait menacer et appauvrir un écosystème déjà fragile ? » Quand la photographe qui arrive ensuite, dans le tourbillon publicitaire engagé par les services municipaux, Alvare lui fait « bien sûr bon accueil. - Un café ? - Non merci, ça me speede trop je marche plutôt au kombucha. »

Anne Kiesel

Hors-sol
Philippe Yong
Mémoire d’encrier, 272 pages, 20 €