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Essais Mange tes mots

janvier 2024 | Le Matricule des Anges n°249 | par Chloé Brendlé

Ecrits pour la parole

Dans l’univers de Léonora Miano, il y a le continent romanesque (qui compte le diptyque Crépuscule du tourment, Saison de l’ombre, Rouge impératrice, le récent Stardust…) et le continent essayiste ; dans les deux, coule la colère d’une écrivaine contre le racisme et les violences faites aux femmes. Les excellentes éditions de L’Arche rééditent son essai coup de poing, Écrits pour la parole, qui confronte les mots de la République à la réalité vécue par des afrodescendants et qui a donné son nom à la collection « Écrits pour la parole ». Publié en 2012, ce petit livre est assez inclassable : il rassemble de brefs monologues, aux frontières du témoignage et du discours, qui ont en commun pour la plupart une envie d’en découdre avec le récit national franco-français. « Couleur », « Communauté », « Binarité », « Égalité » sont quelques-uns des titres de ce recueil qui interroge les valeurs affichées et tente de produire une autre histoire en évoquant aussi bien Gaston Monnerville ou Saartje, la « Vénus noire », que des figures anonymes. Si ces textes ont été publiés chez une éditrice de théâtre, c’est qu’ils sont faits pour être prononcés, voire clamés : aucun n’est ponctué, signe de rage, de rébellion et d’incompréhension – on en fera l’essai pour s’en convaincre avec « À quoi ça sert » ou « On ne se fait pas », texte très réussi sur la manière de parler du viol. Ce recueil singulier par sa forme et par son ton, souvent ironique et virulent (notamment contre les hommes), plus rarement optimiste (dans « Afropea ») continue de secouer ses lecteurs. L’intérêt de sa réédition provient à la fois malheureusement de l’actualité et d’une préface nouvelle de l’auteure, désireuse de « parler à la France de ce qu’elle ne tient pas à savoir » et de dénoncer son « angoisse tribale ». Le lire donne envie de (re)découvrir, notamment à voix haute, d’autres essais de Léonora Miano, comme les bien nommés Ce qu’il faut dire (paru en 2019 chez L’Arche) ou Elles disent (Grasset, 2021).

Chloé Brendlé

Écrits pour la parole
Léonora Miano
L’Arche, 93 pages, 14,50

Mange tes mots Par Chloé Brendlé
Le Matricule des Anges n°249 , janvier 2024.
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