Shakespeare n’a pas écrit la suite de Richard III. Philippe Malone, si. En gardant quatre personnages, Richard, bien sûr, Anne son épouse, Buckingham et Norfolk, tous les quatre confrontés à l’exercice du pouvoir. Richard, trop vieux, renonce à se présenter aux élections. Buckingham et Norfolk décident de tenter leur chance. Et Anne choisit le parti du peuple en rejoignant le public. Philippe Malone fait de cette suite une fable féroce sur le pouvoir, le pouvoir politique bien sûr, mais aussi le pouvoir au théâtre, les relations entre les personnages, les comédiens qui les incarnent et l’auteur de la pièce. Les anachronismes et autres décalages mettent à distance aussi bien les vérités historiques que les textes de théâtre. Les personnages laissent en permanence la place aux comédiens qui ponctuent, commentent, corrigent les propos de l’auteur, voire improvisent quand celui-ci, peut-être à court d’arguments, se suicide avant d’avoir écrit la fin du texte. Ils n’hésitent pas non plus à définir quelques codes théâtraux. Ainsi Richard précise : « Un temps signifie un court silence / pour que le bon mot soit compris du public / avant la réplique suivante. / Permettez que je vous rappelle / les règles élémentaires du dialogue. »
Au-delà de son aspect burlesque, cette quête du pouvoir s’appuie sur quelques fondamentaux du rapport au peuple. Buckingham élu, il lui faudra soigner ses discours pour ne pas ennuyer ; bâtir un centre commercial ou un cimetière car « le peuple a besoin de temple ». Et puis se servir de la peur pour tenir le peuple : « La peur est un chaudron élastique / dans lequel peut être dissous, / en instillant les ingrédients bien choisis / n’importe quel peuple / n’importe quel opposant. » Peur des attentats, peur des épidémies, de la guerre, des émeutes, la pièce renvoie constamment à notre histoire contemporaine. Et l’écriture rapide, précise, joyeuse, alternant les métaphores poétiques et les digressions très terre à terre, nous offre un véritable plaisir de lecture.
PGB
Richard IV
Philippe Malone
Espaces 34, 112 pages, 16 €