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Domaine étranger Père perpétuel

février 2024 | Le Matricule des Anges n°250 | par Dominique Aussenac

Dans un premier roman animalier mais pas que, puissant et mature, le trentenaire Britannique Charlie Gilmour explore les affres de la filiation.

Un proverbe occitan affirme qu’un peuplier ne donne jamais de saule. Du déterminisme biologique au déterminisme social il n’y a qu’un pas. Certains y voient une reproduction des inégalités ou des privilèges. Plus facile de naître avec une cuillère en or dans la bouche que sans ! Mais la cuillère a aussi son revers conté ici par le fils biologique du poète, dramaturge, acteur anglais, militant politique, Heathcote Williams (1941-2017). Le portrait qu’en fait le rejeton abandonné, adopté par David Gilmour, guitariste starisé de son état, est plutôt saisissant, parfois répugnant. Il apparaît dans ces deux récits enchâssés, mis en abyme, en génie fou, cruel et cynique.
L’histoire de Benzene, la pie tombée du nid, que l’auteur a recueilli alors qu’en couple, il s’inquiétait de son peu d’enthousiasme à avoir un enfant, s’invagine à celle de son abandon, des tentatives désespérées de se rapprocher du paternel, qui a aussi élevé un corbeau et lui a consacré un poème. Comment celui qui a abandonné sa « propre progéniture », a-t-il pu s’en sortir avec un oiseau ? L’auteur a du mal à lire les textes de Heathcote dont la « qualité discutable ne joue pas en leur faveur ». Il dégote « Prisonnier d’un choucas » « niché entre des poèmes sur les abeilles et le capitalisme, le miel de guêpe et la guerre des Malouines, le suicide d’Alan Turing et les brimades subies par les ouvriers qui fabriquent des ordinateurs dans les usines chinoises contemporaines. Cette fois, mes yeux ne glissent pas de la page. Ce poème sur le choucas est riche, sensoriel et étonnamment tendre. »
L’ouvrage offre un panoramique très vivant, documenté, souvent burlesque, édifiant sur la vie des corvidés, l’engouement des Britanniques pour la nature, les animaux. Trop policé ? « J’espère que vous aimez aussi les oiseaux. C’est économique. Cela évite d’aller au ciel. » d’après Emily Dickinson. Tous ces battements d’ailes, ces pépiements, ces tentatives pour gagner les nuées contrastent et atténuent la noirceur, la sauvagerie, le tumulte, les questionnements en forme de cris qui traversent le roman : qui est mon père ? Qui suis-je ? Pourquoi m’a-t-il abandonné ? Suis-je aussi porteur de sa folie ? S’imaginant responsable de ce carnage affectif, l’adolescent se perd, se dévalorise, maltraite son corps, joue avec le symbolique, écrit à son père, une lettre encrée de son propre sang. Angoisse et désespoir sont tels qu’il consomme alcool et drogues à outrance, jusqu’à, lors d’une manifestation étudiante, tenter de dégrader un monument. Il sera jugé, mis en prison. Ce qui déclenchera acte d’écriture et soins rédempteurs qui l’amènent à se reconstruire et assumer une future paternité.
Benzene, la pie, par son énergie vitale, ses facéties, les soins qui lui sont apportés, accompagne cette métamorphose. « Le choucas de Heathcote, ma pie. Deux oiseaux de malheur, annonciateurs de morts, des messagers divins selon la légende. Mais quel était le message ? Peut-être que parfois, les malédictions peuvent être des bénédictions déguisées.  » La pie prononce quelques mots, finit par énoncer celui de « Bébé ».
Ce roman autobiographique à la construction audacieuse avec ses effets de miroir, ses allers-retours, l’exploration à travers documents, poèmes, photos, entretiens d’une généalogie aux allures de malédiction surprend aussi par la qualité, l’urgence de son introspection, la volonté de dire au plus près, tout en énonçant au plus juste. L’écriture vive passe du primesautier au ton le plus grave en quelques sautillements volatils. La cruelle critique d’une génération qui voulait changer le monde sans se soucier de ses propres enfants ? « On ne devient pas forcément celui qui était son géniteur. L’acquis l’emporte sur l’inné. Il le faut. »


Dominique Aussenac

Premières plumes
Charlie Gilmour
Traduit de l’anglais par Anatole Pons-Reumaux
Métailié, 304 pages, 22,50

Père perpétuel Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°250 , février 2024.
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