La rédaction Thierry Guichard
Articles
Une histoire française
Le premier roman de Lolita Sene, un été chez jida, renoue avec ses racines kabyles, une Histoire douloureuse et l’indicible violence faite à une enfant. L’écriture comme un baume.
Elle est aujourd’hui vigneronne, produit des vins subtils et joyeux auxquels elle donne parfois un nom venu de l’enfance comme à son cinsault de soif, Couscous. Et peut-être a-t-elle appris en soignant avec de la valériane les vignes blessées par la grêle, qu’on peut appliquer sur les blessures de quoi cicatriser les plaies et renforcer les corps. Un été chez Jida est un roman qui soigne, où les mots viennent de loin, sont posés sur la page avec une précaution qui les rend plus prégnants. Roman parcellaire, fait de chapitres courts qui sont comme des pièces d’un puzzle difficile à...
Un auteur
Christine Angot l’ambiguë
Cruelle, tendre et impudique l’oeuvre de Christine Angot se donne tous les moyens de ne pas être prise pour ce qu’elle est : de la littérature. La preuve par le roman avec la sortie d’Interview.
Dans Léonore, toujours (L’Arpenteur), Christine Angot proposait le journal d’une jeune mère écrivain, dont la naissance d’une fillette, Léonore, mettait en péril le travail d’écriture. Cette narratrice qui s’appelait aussi Christine Angot, renonçait à l’élaboration d’une œuvre pour, simplement, marquer à l’encre noire chaque jour passé avec sa fille. Le bonheur de la maternité (ses angoisses...
Un auteur
Les courses éperdues de Branimir Scepanovic
Bâtisseur d’improbables scénarios, le Monténégrin Branimir Scepanovic dresse des cathédrales de lumière sur la boue de l’âme humaine.
Le « grand grand monument » de la littérature qu’évoquait Linda Lê dans le MdA N°13, La Bouche pleine de terre de Branimir Scepanovic, a été publié pour la première fois en français en 1975 par L’Age d’Homme. Sa réédition date de 1993.
Récit fulgurant et visionnaire d’un écrivain yougoslave né en 1937, La Bouche pleine de terre raconte la fuite d’un homme pourchassé à travers une vaste...
Un livre
Humbles et Phénomènes
de
Jacques Durand
La plume de l’aficionado
Il y aurait fort à parier que certains jours d’été, les lecteurs occasionnels de Libération soient plus nombreux, et que parmi eux, un certain nombre n’ouvrent le quotidien qu’à la rubrique « Tauromachie ». Les articles de Jacques Durand sont le pire fléau pour les détracteurs de l’art taurin. Ses papiers éclairent les courses de toros de tant de manières, que des caractères d’encre...
L’exploration d’une vie
Dans une ville de l’Hérault, une mère se suicide. Elle suivait un atelier d’écriture avec un écrivain qui va chercher à reconstituer la vie de la jeune femme. C’était toute une vie ou la plongée en eaux profondes.
La plupart du temps dans C’était toute une vie, le narrateur ce n’est pas « je » ou « il », c’est « on ». Un « on » qui hésite entre je et nous, qui héberge pas mal de « eux » aussi, comme si celui qui parle, ne parlait finalement qu’à partir de l’expérience des autres, comme s’il n’était que le réceptacle de leur vie, ou plutôt de ce qui lui est possible de comprendre de leur vie....
Médiatocs – chronique
Pare-chocs du moi
Écrite précipitamment dans l’absence de style, l’autobiographie de l’ancienne directrice du Monde des livres atteint à des abysses de pensée. Du moment que ça la soulage….
Elle était la directrice du Monde des livres jusqu’au jour (« un matin de janvier 2005 ») où on lui annonce qu’elle est démise de cette fonction pour redevenir une simple journaliste. Josyane Savigneau vit d’autant plus mal sa mise au placard (qui la vivrait bien ?) que celle-ci la renvoie à un complexe d’imposture qui l’habite depuis toujours et qu’elle va tenter de résoudre en écrivant ce Point de côté. On espérait une réflexion sur le métier de journaliste, une description des rouages de la critique parisienne ou au moins une véritable plongée dans les mécanismes intimes, inconscients...
Un âne, des mots
Claire Castillon a probablement un vrai talent d’écrivain. Mais ses lecteurs ont assurément beaucoup de patience. Son nouvel opus, indigeste en diable, impose une lecture éprouvante.
Cette rubrique, consacrée aux très médiatiques romanciers allait tranquillement vers la proclamation d’un axiome incontestable. Quelque chose comme : un best-seller se fabrique. Dès sa conception jusqu’à son écriture, un best-seller imite plutôt la pente douce (qu’on dévale sans y prendre garde) que la montée abrupte qui nécessite effort et courage. Les ingrédients du best-seller se trouvent...
“ Les mecs, on la perd ! “
Quels ingrédients faut-il pour faire un best-seller ? Une louche de clichés alignés par un style de collégien attardé et assez de cynisme pour prendre ses lecteurs pour des gogos.
Prenez une pincée de Paulo Coelho, le romancier philosophe pour ménopausés du cerveau, dont vous extrairez des préceptes profonds du genre : « accepte le destin qui est le tien et donne aux autres le meilleur de ton temps ». Cette morale à deux sous qu’adorent tous les apôtres de la domination (que les miséreux acceptent leur misère et ne viennent pas nous emmerder) nous est assénée par...
Courrier du lecteur – chronique
La preuve par huit
Publié il y a treize ans aux États-Unis, « Surfiction » est un essai réjouissant. Clair et incitatif, il donne les bases d’une réflexion en mouvement.
Constitué de huit textes vifs, Surfiction traverse une bonne partie de la littérature de création (« le roman expérimental ») des années 60 à aujourd’hui plus particulièrement aux U.S.A. Raymond Federman sait de quoi il parle, puisqu’il fut un des premiers de sa génération avec Quitte ou double (1971) à révolutionner le roman (dans la lignée de Cervantès, Sterne ou Joyce). Le bonhomme n’hésite d’ailleurs pas à se citer lui-même…
Le texte inaugural est un « manifeste postmoderne » : écrit en 1973, ce texte programmatique n’a pas pris une ride, si ce n’est, peut-être, dans l’utopique part...