La rédaction Thierry Guichard
Articles
Un auteur
Une attention tous azimuts
L’écriture de Laird Hunt a beau emprunter des chemins très différents d’un livre à l’autre, elle répond toujours à une exigence de l’écoute. Celle des vivants et des morts, des fantômes que la fiction convoque pour dire l’Histoire. Jusqu’à rendre palpable chaque monde qu’elle aborde.
Laird Hunt, Zorrie, votre nouveau roman qui paraît ce mois-ci en France met à nouveau à l’honneur une figure féminine. Qu’est-ce qui vous pousse à écrire autant sur des personnages féminins ?
Ma première histoire publiée, écrite à l’automne 1990 alors que j’enseignais l’anglais au Japon, décrit une femme qui, dans l’Indiana rural, prépare le dîner pour une famille qui n’existe plus : elle prépare le dîner pour le passé. Ayant été élevé par ma grand-mère paternelle dans une ferme de l’Indiana, où j’ai passé les années déterminantes de mon enfance, il me semble parfaitement logique que mon...
Retombées de neige
Apatride, Jorge Semprun s’est découvert une terre originelle en revenant 47 ans après à Buchenwald. Résultat : un livre essentiel, nécessaire, vital.
Comment raconter les camps de déportation et d’extermination nazis ? « On n’y parviendra pas sans un peu d’artifice. Suffisamment d’artifice pour que ça devienne de l’art ! » ; la réponse est formulée par un certain Jorge Semprun, un jour d’avril 1945, quelques jours après sa libération, le 11 avril par les alliés, du camp de Buchenwald.
En revenant, presque 50 ans plus tard sur le 11 avril...
Des livres
Bonjour, monsieur Chardin
de
Gil Jouanard
Le Goût des choses
de
Gil Jouanard
Hymne au quotidien
Gil Jouanard n’est pas un homme pressé. Bonjour, monsieur Chardin et Le Goût des choses ou le doux murmure qui défie la valeur marchande du temps.
L’écriture de Gil Jouanard impose un autre rythme de lecture que celui auquel notre siècle nous a habitués. Il faudrait, comme un orchestre avant le concert, accorder chaque élément de notre environnement, se faire offrir le silence et la quiétude, avant de se laisser accompagner par les méditations de l’auteur. Si l’on accusait Gil Jouanard de n’être pas de ce temps, l’écrivain aurait sans...
Les voix de la honte
Le fait divers où s’inscrit le revers de la société. Un Fait divers de François Bon nous tend le miroir secret de nos gouffres.
L’histoire s’est refusée longtemps, puis voilà, ce fait divers tombait comme une passerelle dans le brouillard qui aurait mené à ce que de toujours on aurait voulu garder secret. » Celui qui parle ainsi vers la fin du roman, c’est l’auteur, c’est François Bon lui-même et non un clone-narrateur. Et ce fait divers, c’est celui qui a vu un jeune Allemand, Arne, parcourir sur sa mobylette les 900...
Un livre
Ne pas toucher, ne pas fondre
de
Sabine Macher
Ne pas toucher, ne pas fondre
Sabine Macher a banni les majuscules de son écriture. Le murmure de sa langue a gommé ces hypertrophies des lettres afin d’hypnotiser lentement le lecteur et faire de lui le double intime de la narratrice. Ne pas toucher, ne pas fondre se présente comme le journal d’une femme, une entreprise de dénudement de soi par le biais de l’écriture. Minimaliste dans sa forme, le texte, dans la...
Médiatocs – chronique
Pare-chocs du moi
Écrite précipitamment dans l’absence de style, l’autobiographie de l’ancienne directrice du Monde des livres atteint à des abysses de pensée. Du moment que ça la soulage….
Elle était la directrice du Monde des livres jusqu’au jour (« un matin de janvier 2005 ») où on lui annonce qu’elle est démise de cette fonction pour redevenir une simple journaliste. Josyane Savigneau vit d’autant plus mal sa mise au placard (qui la vivrait bien ?) que celle-ci la renvoie à un complexe d’imposture qui l’habite depuis toujours et qu’elle va tenter de résoudre en écrivant ce Point de côté. On espérait une réflexion sur le métier de journaliste, une description des rouages de la critique parisienne ou au moins une véritable plongée dans les mécanismes intimes, inconscients...
Un âne, des mots
Claire Castillon a probablement un vrai talent d’écrivain. Mais ses lecteurs ont assurément beaucoup de patience. Son nouvel opus, indigeste en diable, impose une lecture éprouvante.
Cette rubrique, consacrée aux très médiatiques romanciers allait tranquillement vers la proclamation d’un axiome incontestable. Quelque chose comme : un best-seller se fabrique. Dès sa conception jusqu’à son écriture, un best-seller imite plutôt la pente douce (qu’on dévale sans y prendre garde) que la montée abrupte qui nécessite effort et courage. Les ingrédients du best-seller se trouvent...
“ Les mecs, on la perd ! “
Quels ingrédients faut-il pour faire un best-seller ? Une louche de clichés alignés par un style de collégien attardé et assez de cynisme pour prendre ses lecteurs pour des gogos.
Prenez une pincée de Paulo Coelho, le romancier philosophe pour ménopausés du cerveau, dont vous extrairez des préceptes profonds du genre : « accepte le destin qui est le tien et donne aux autres le meilleur de ton temps ». Cette morale à deux sous qu’adorent tous les apôtres de la domination (que les miséreux acceptent leur misère et ne viennent pas nous emmerder) nous est assénée par...
Courrier du lecteur – chronique
La preuve par huit
Publié il y a treize ans aux États-Unis, « Surfiction » est un essai réjouissant. Clair et incitatif, il donne les bases d’une réflexion en mouvement.
Constitué de huit textes vifs, Surfiction traverse une bonne partie de la littérature de création (« le roman expérimental ») des années 60 à aujourd’hui plus particulièrement aux U.S.A. Raymond Federman sait de quoi il parle, puisqu’il fut un des premiers de sa génération avec Quitte ou double (1971) à révolutionner le roman (dans la lignée de Cervantès, Sterne ou Joyce). Le bonhomme n’hésite d’ailleurs pas à se citer lui-même…
Le texte inaugural est un « manifeste postmoderne » : écrit en 1973, ce texte programmatique n’a pas pris une ride, si ce n’est, peut-être, dans l’utopique part...