La rédaction Thierry Guichard
Articles
Une histoire française
Le premier roman de Lolita Sene, un été chez jida, renoue avec ses racines kabyles, une Histoire douloureuse et l’indicible violence faite à une enfant. L’écriture comme un baume.
Elle est aujourd’hui vigneronne, produit des vins subtils et joyeux auxquels elle donne parfois un nom venu de l’enfance comme à son cinsault de soif, Couscous. Et peut-être a-t-elle appris en soignant avec de la valériane les vignes blessées par la grêle, qu’on peut appliquer sur les blessures de quoi cicatriser les plaies et renforcer les corps. Un été chez Jida est un roman qui soigne, où les mots viennent de loin, sont posés sur la page avec une précaution qui les rend plus prégnants. Roman parcellaire, fait de chapitres courts qui sont comme des pièces d’un puzzle difficile à...
Un livre
Le Puits d’exil
de
Armande Gobry-Valle
Mis entre parenthèses
Entre la Métamorphose et Le Procès de Kafka, le troisième roman d’Armande Gobry-Valle dépouille l’être de ce qui le relie aux autres. L’enfer.
Un homme, instituteur marié et père de famille infidèle, est enlevé un jour de février par des ravisseurs cagoulés. Jeté dans une sorte de cuve froide, il va vivre un enfermement humiliant sans savoir ni par qui ni pourquoi il a été enlevé.
Le Puits d’exil ressemble à un défi. Armande Gobry-Valle, dont la technique d’écriture - s’incarner dans le personnage - s’apparente au travail d’une...
Un livre
La Mer des mamelles
de
Alain Ferry
Par tous les seins
Le deuxième roman d’Alain Ferry est nourri aux seins et à l’encre de la littérature. Ses six cents pages joufflues témoignent de la qualité du régime.
Avec La Mer des mamelles, Alain Ferry gagne son entrée dans la confrérie des fous littéraires. Voilà en effet un érudit de première, grand amateur de seins et de littérature qui n’hésite pas à mobiliser quelques centaines d’écrivains, pour chanter avec eux ses deux amours. Si le projet peut paraître léger, il faut croire que la matière mammaire conduit facilement à la prolixité. La Mer des...
Un auteur
Claude Louis-Combet : de la prière à la mythobiographie
Ecrivain de l’expérience intérieure, Claude Louis-Combet voit dans la littérature comme le questionnement d’une quête spirituelle. Son nouveau roman possède la beauté d’un oratorio.
Avec un recueil d’articles critiques, de courts essais, chez Deyrolle et un nouveau roman chez Corti, Claude Louis-Combet ravira tous ses aficionados qui, s’ils ne sont pas aussi nombreux qu’une telle œuvre le mériterait finissent par constituer un happy-few fort respectable.
Blesse, Ronce noire qui relate la relation incestueuse entre le poète Trakl et sa sœur Gretl, marie magistralement...
Un éditeur
Champ Vallon : de recueil en recueils
Depuis 1983, les éditions Champ Vallon délimitent, livre après livre, un territoire l littéraire intimiste. A l’origine de ce défrichage, une revue, Recueil, que Patrick Beaune, le directeur des éditions utilise comme un creuset.
C’est une belle librairie que l’on découvre lorsqu’on pénètre, par une petite rue, sur la place de Seyssel (Ain) d’où s’échappe la rue Guérin qui abrite les éditions Champ Vallon. Anachronique avec ses lourds volets bleus, la librairie est fermée comme la plupart des autres commerces en ce lundi de janvier. Avec deux maisons d’édition (Champ Vallon et Comp’act qui toutefois vient de déménager...
Médiatocs – chronique
Pare-chocs du moi
Écrite précipitamment dans l’absence de style, l’autobiographie de l’ancienne directrice du Monde des livres atteint à des abysses de pensée. Du moment que ça la soulage….
Elle était la directrice du Monde des livres jusqu’au jour (« un matin de janvier 2005 ») où on lui annonce qu’elle est démise de cette fonction pour redevenir une simple journaliste. Josyane Savigneau vit d’autant plus mal sa mise au placard (qui la vivrait bien ?) que celle-ci la renvoie à un complexe d’imposture qui l’habite depuis toujours et qu’elle va tenter de résoudre en écrivant ce Point de côté. On espérait une réflexion sur le métier de journaliste, une description des rouages de la critique parisienne ou au moins une véritable plongée dans les mécanismes intimes, inconscients...
Un âne, des mots
Claire Castillon a probablement un vrai talent d’écrivain. Mais ses lecteurs ont assurément beaucoup de patience. Son nouvel opus, indigeste en diable, impose une lecture éprouvante.
Cette rubrique, consacrée aux très médiatiques romanciers allait tranquillement vers la proclamation d’un axiome incontestable. Quelque chose comme : un best-seller se fabrique. Dès sa conception jusqu’à son écriture, un best-seller imite plutôt la pente douce (qu’on dévale sans y prendre garde) que la montée abrupte qui nécessite effort et courage. Les ingrédients du best-seller se trouvent...
“ Les mecs, on la perd ! “
Quels ingrédients faut-il pour faire un best-seller ? Une louche de clichés alignés par un style de collégien attardé et assez de cynisme pour prendre ses lecteurs pour des gogos.
Prenez une pincée de Paulo Coelho, le romancier philosophe pour ménopausés du cerveau, dont vous extrairez des préceptes profonds du genre : « accepte le destin qui est le tien et donne aux autres le meilleur de ton temps ». Cette morale à deux sous qu’adorent tous les apôtres de la domination (que les miséreux acceptent leur misère et ne viennent pas nous emmerder) nous est assénée par...
Courrier du lecteur – chronique
La preuve par huit
Publié il y a treize ans aux États-Unis, « Surfiction » est un essai réjouissant. Clair et incitatif, il donne les bases d’une réflexion en mouvement.
Constitué de huit textes vifs, Surfiction traverse une bonne partie de la littérature de création (« le roman expérimental ») des années 60 à aujourd’hui plus particulièrement aux U.S.A. Raymond Federman sait de quoi il parle, puisqu’il fut un des premiers de sa génération avec Quitte ou double (1971) à révolutionner le roman (dans la lignée de Cervantès, Sterne ou Joyce). Le bonhomme n’hésite d’ailleurs pas à se citer lui-même…
Le texte inaugural est un « manifeste postmoderne » : écrit en 1973, ce texte programmatique n’a pas pris une ride, si ce n’est, peut-être, dans l’utopique part...